18 juin 2009 – Impact de l’exploitation de l’uranium par AREVA au Niger et au Gabon Observatoires de la Santé : Progrès réel ou écran de fumée ?

Communiqué de presse CRIIRAD – 18 juin 2009

Impact de l’exploitation de l’uranium par AREVA au Niger et au Gabon Observatoires de la Santé : Progrès réel ou écran de fumée ?

AREVA devrait annoncer demain la création d’Observatoires de la Santé autour des mines d’uranium exploitées par le groupe à travers le monde, à commencer par le Niger et le Gabon. La CRIIRAD pose plusieurs questions et émet de nombreuses réserves sur ce projet. Si Areva ne propose pas certaines garanties (inclusion de toutes les personnes concernées, prise en compte de toutes les pathologies incriminées, dispositifs d’indemnisation adaptés…) et ne prend pas en parallèle des dispositions pour réduire l’impact sanitaire et environnemental de ses activités, la mise en place de ces observatoires ne constituera pas un progrès réel.

La création d’Observatoires de la santé par Areva autour des mines d’uranium constitue-t-elle un progrès réel ou s’agit-il d’une nouvelle opération de communication ? La CRIIRAD appelle les travailleurs et les populations dont les intérêts sont censés être défendus par ces accords à ne pas se réjouir trop vite et souhaite attirer l’attention des citoyens et des medias sur plusieurs points :

1 / Le conflit d’intérêt

Les Observatoires de la Santé ont pour vocation d’étudier l’impact sanitaire des activités d’extraction de l’uranium par AREVA et ses filiales et d’’indemniser les personnes souffrant de pathologies induites par ces activités d’extraction.
Le fait que ces structures soient mises en place par l’industriel responsable des pollutions montre bien les carences des dispositifs de protection sanitaire et constitue en soi une anomalie fondamentale. Le conflit d’intérêts au sein des observatoires n’augure en effet rien de bon.

2 ./ AREVA est elle prête à donner aux victimes des garanties sérieuses de prise en charge ?

Pour juger de la qualité du dispositif, il faudra veiller en tout cas à ce que l’ensemble des personnes touchées soient prises en compte, que toutes les pathologies incriminées soient considérées et que l’entreprise reconnaisse effectivement un lien entre ses activités et les pathologies incriminées.
Personnes concernées
La première question est de savoir si les accords ne concernent que les salariés ou l’ensemble des populations riveraines des sites d’extraction. Dans bien des cas en effet, l’exposition des populations est loin d’être négligeable sur le plan sanitaire et les doses subies sont, pour certains sites, supérieures aux limites admissibles.
Liste des pathologies
AREVA est elle prête à prendre en compte toutes les pathologies susceptibles d’être imputables à la pollution chimique et radiologique induite par l’extraction de l’uranium ?
Bien souvent ne sont prises en compte que les pathologies listées au tableau N°6 des maladies professionnelles du Code de la Sécurité Sociale français. Or il s’agit d’une liste désuète datant de 1984 (cf. Annexe 1) et qui ne comporte que 3 types de cancers radio-induits. Les connaissances actuelles sur les effets des expositions chroniques à de faibles doses de rayonnement montrent que les atteintes à la santé concernent de nombreux types de cancers et l’ensemble des fonctions vitales. Il peut s’agir d’atteintes cardiovasculaires, de maladies rénales, d’affections neurologiques, etc. et pas seulement de cancer broncho-pulmonaire, de sarcome osseux ou de leucémie. Il faudra prendre en compte également les effets de synergie entre polluants chimiques et radioactifs.
Charge de la preuve
Le dispositif d’indemnisation proposé par AREVA sera-t-il orienté au bénéfice des malades ?
Si l’entreprise exige par exemple que les malades apportent la preuve d’un lien de causalité certain entre leur affection et les conditions de travail, il n’y aura pratiquement aucune chance pour que des personnes soient un jour indemnisées, en effet il n’y a que très rarement une signature spécifique des expositions aux faibles doses de radiation. Dans ce cas les malades joueraient d’avantage un rôle de cobayes, les Observatoires de la Santé permettant de compiler des données sanitaires sans réel bénéfice pour les malades.
D’autres questions devront bien entendu être posées à AREVA telles que : l’indemnisation des ayants droits des personnes décédées, la pérennité des dispositifs d’indemnisation, l’indépendance et la compétence des experts qui auront à statuer sur les différents cas, etc.

3 / AREVA est-elle prête à s’engager réellement à réduire l’impact de ses activités ?

Pour la CRIIRAD, il est très important que les populations et les travailleurs rendus malades par des pratiques d’exploitation laxistes soient correctement indemnisés et soignés. Il faudra veiller à ce que ces soins soient prodigués aussi longtemps que les impacts seront effectifs. Il peut s’agir de plusieurs décennies voire centaines d’années après la fin de l’exploitation si les sites ne sont pas correctement réaménagés ce qui est malheureusement le cas pour les anciens sites d’AREVA en France ou au Gabon.
Il est essentiel en outre qu’AREVA s’engage à réduire l’impact environnemental et sanitaire de ses activités, c’est-à-dire s’engage à limiter les niveaux d’exposition aux radiations et aux polluants chimiques tant pour les travailleurs des sites d’extraction de l’uranium que pour les populations locales.
L’extraction de l’uranium est la première étape du cycle du combustible nucléaire et reste l’une des plus polluantes.
Les constats effectués par la CRIIRAD depuis décembre 2003 au Niger montrent qu’AREVA et ses filiales ont bien des progrès à faire en ce domaine.
En parallèle à la création des Observatoires de la Santé, il est indispensable qu’AREVA prenne des engagements visant à réduire les impacts. Engagement, par exemple, à
– Limiter les rejets de radon 222 un gaz radioactif cancérigène pour l’homme. Or des dizaines de bouches d’aération des mines souterraines rejettent ce gaz directement dans l’atmosphère à Akokan (Niger).
– Mettre en œuvre en urgence de dispositifs de protection des entreposages de résidus radioactifs (limitation des risques d’envol de poussières radioactives, limitation de l’érosion, etc.) et garantir le confinement pendant des milliers d’années des plus de 30 millions de tonnes de résidus radioactifs qui sont entreposés à l’air libre à Arlit et Akokan (Niger).
– Limiter les envols de poussières radioactives issues des mines et stockages à l’air libre des tas de minerai radioactif.
– Lancer une campagne de récupération des matériaux radioactifs issus des mines et des usines d’extraction de l’uranium qui ont été réutilisés pendant des décennies par la population (ferrailles contaminées, remblais radioactifs).
– Garantir l’accès à une eau non contaminée après la fin de l’exploitation. L’exploitation de l’uranium à Arlit et Akokan a conduit à soutirer plus de 270 millions de m3 dans une nappe fossile. La mise en exploitation du gisement d’Imouraren conduira au soutirage de 12 à 13 millions de m3 par an. AREVA reconnaît que la nappe souterraine sera asséchée à la fin de l’exploitation dans une quarantaine d’années. De plus l’exploitation nécessitera l’excavation de près de 4 milliards de tonnes de roches et produira des montagnes de déchets : stériles miniers amoncelés en verses de 40 mètres de haut sur 20 km2 et 245 millions de tonnes de déchets radioactifs à très longue période dont personne ne sait comment garantir le confinement.
– Limiter les impacts indirects liés à l’utilisation de charbon pour fournir l’énergie aux complexes d’extraction de l’uranium. En 2006, au Niger, 85 % de l’électricité commercialisée par la SONICHAR était achetée par SOMAÏR et COMINAK. La mise en exploitation des nouveaux gisements d’uranium va faire passer la consommation de charbon de 160 000 tonnes à 400 000 tonnes en 2011. La population de Tchirozérine, commune où sont implantées la mine de charbon et la centrale thermique se plaint de l’impact de la pollution atmosphérique et de la pollution des eaux.
NB : certains de ces points sont développés dans le rapport CRIIRAD N°08-02 de janvier 2008

4 / Réserves de la CRIIRAD sur les intentions d’AREVA


La CRIIRAD est d’autant plus réservée sur la création de ces observatoires de la Santé que :

A / AREVA continue de dissimuler l’impact dosimétrique et donc sanitaire réel de ses activités.
En voici 2 exemples :
– A Arlit et Akokan, les concentrations en uranium dans certains puits dépassent d’un facteur 10 les normes de l’Organisation Mondiale de la Santé. Ceci a été démontré par la CRIIRAD mais aussi par les laboratoires officiels (Algade et IRSN) commandités par AREVA pour faire des contrôles. Pourtant AREVA continue à déclarer dans son dossier de presse de 2009 : «Les analyses bactériologiques (mensuelles), radiologiques (semestrielles) et chimiques (annuelles) montrent l’absence de contamination». (cf. Annexe 2).
– Certains groupes de population autour des mines d’AREVA au Niger subissent des doses de radiation supérieures à la dose maximale annuelle admissible de 1 milliSievert. Ce constat émane de l’IRSN, Institut de radioprotection officiel français (cf. Annexe 3). Les doses limites sont dépassées alors que le calcul de l’IRSN est basé en grande partie sur les propres mesures d’AREVA et que certaines voies d’exposition sont négligées (l’inhalation des poussières radioactives, l’irradiation par les ferrailles ou les stériles radioactifs réutilisés, etc..). Pourtant AREVA continue à déclarer dans son dossier de presse de 2009 que « la limite (de dose) est respectée autour des mines et dans les villes voisines d’Arlit et d’Akokan » (cf. Annexe 4).
En préalable à toute « négociation » avec AREVA, la CRIIRAD estime que les ONG devraient exiger de l’entreprise qu’elle commence par reconnaître la réalité des pollutions qu’elle génère.

B / Alors qu’elle diffuse abondamment des documents publicitaires, AREVA refuse de communiquer les informations factuelles sur l’impact radiologique de ses activités.
En voici 2 exemples :
– En Mai 2007 la CRIIRAD a adressé un courrier à Mme Anne Lauvergeon, présidente du groupe AREVA l’informant de la découverte de stériles radioactifs au Niger devant l’hôpital de la COMINAK (niveau de radiation 100 fois supérieur à la normale) et lui demandant un inventaire des autres lieux contaminés par ce type de déchets à Arlit et Akokan. Les déchets auraient bien été enlevés devant l’hôpital d’AKOKAN (plus de 8 mois après le courrier de la CRIIRAD) mais Mme Lauvergeon n’a jamais transmis à la CRIIRAD les documents demandés (cf. Annexe 5).
– De la même manière, AREVA et sa filiale la COMUF n’ont jamais transmis à la CRIIRAD les documents décrivant la situation radiologique autour des anciennes mines de Mounana (Gabon) demandés en mars 2007 (cf. Annexe 6). La transmission de ces documents a été refusée également par les autorités Gabonaises. Cette attitude est d’autant plus choquante que les mesures préliminaires effectuées en octobre 2007 par un correspondant local avec du matériel prêté par la CRIIRAD révélaient de fortes contaminations résiduelles

ANNEXES : Pour consulter les annexes de ce communiqué de presse (format PDF) cliquez sur le lien suivant :

https://www.criirad.org/actualites/dossiers-08/niger-areva/annexes.pdf