04 mars 2021 – Radioactivité des poussières et sables du Sahara retombés sur le territoire français

Ces dernières semaines, la CRIIRAD a reçu de nombreux messages d’adhérents inquiets par les conséquences des retombées de poussières sahariennes sur le territoire français.

Cette inquiétude est légitime : chaque année ou presque, des événements nous rappellent que les masses d’air contaminé n’ont pas de frontières et que certaines pollutions radioactives sont encore présentes pour très longtemps dans notre environnement.

Citons pour la seule année 2020 :

S’agissant des poussières du Sahara, la CRIIRAD a publié le 8 février une note d’information sur le site dédié au réseau de balises de surveillance de la radioactivité de l’air géré par son laboratoire en Vallée du Rhône. Ce texte indiquait : « compte tenu des retombées des essais nucléaires réalisés par la France dans le Sahara algérien dans les années 1960 » et des « retombées globales des essais atmosphériques effectués dans le monde jusqu’en 1980 », « une partie des particules remises en suspension est susceptible de contenir des radioéléments artificiels tels que le césium 137, divers isotopes du plutonium, ou encore l’américium 241 (descendant du plutonium 241) ».

Cette note a été suivie de plusieurs mises à jour. Ces informations sont consultables sur le site des balises.

Les résultats donnés par les balises indiquent un impact radiologique très faible. L’analyse en laboratoire des filtres aérosols de la balise de Valence montre par exemple que la contamination moyenne en césium 137 et américium 241 de l’air ambiant entre le 25 janvier et le 22 février est restée inférieure aux limites de détection < 10 microbecquerels par mètre cube (µBq/m3) en valeur arrondie. La CRIIRAD poursuit sa surveillance : d’autres analyses de filtres aérosols sont en cours.

Le risque est avant tout lié aux concentrations en particules PM10 (particules de diamètre inférieur à 10 microns) : dans certaines régions les valeurs journalières ont dépassé 100 voire 200 µg/m³, le seuil d’alerte étant fixé à 80 µg/m3.

Le risque radiologique est marginal : l’activité volumique des radionucléides artificiels dans l’air est restée très en dessous des seuils nécessitant des mesures de protection.

Lors des épisodes intenses de vents du Sahara, les dépôts de radionucléides artificiels (et naturels) sur les sols peuvent être quantifiés grâce à des analyses. Les données disponibles montrent des retombées en césium 137 typiquement comprises entre 0,01 et 1 Bq/m² (0,01 Bq/m² correspond à 10 000 Bq/km² mais nous préférons utiliser les unités habituelles).

Ces apports sont évidemment très inférieurs aux retombées de césium 137 de Tchernobyl sur le territoire français en 1986 (très hétérogènes, variant de quelques centaines de Bq/m² à des dizaines de milliers de Bq/m²) et des essais nucléaires militaires (contamination plus homogène, liée pour l’essentiel aux essais des années 50 et 60 ; dépôts cumulés le plus souvent compris entre 3 000 et 7 000 Bq/m² et pouvant atteindre 10 000 à 15 000 Bq/m² dans les zones, généralement montagneuses, où les précipitations sont les plus importantes).

Dans les deux cas, le césium 137 n’était pas le seul radionucléide présent et les niveaux de contamination nécessitaient des mesures de protection qui n’ont pas été mises en œuvre. Les analyses réalisées par le laboratoire de la CRIIRAD ont montré que le césium de Tchernobyl, comme celui des essais nucléaires, est encore très présent dans les couches superficielles du sol et dans des organismes qui ont la capacité de l’extraire, notamment les champignons.

Les dépôts liés aux vents du Sahara sont ponctuellement bien trop faibles pour modifier ces ordres de grandeurs mais il faudra évaluer leur impact dans la durée en cas de phénomènes intenses et récurrents.

Ils viennent en tout cas rappeler que les essais nucléaires militaires aériens ont dispersé dans l’atmosphère, et à l’échelle des deux hémisphères, des quantités prodigieuses de radioactivité qui continuent de polluer notre environnement.

Dans le cas du Sahara, elles sonnent comme un rappel des essais aériens et souterrains que la France a réalisés dans les années 60 (même si la radioactivité présente dans le sable n’est pas exclusivement liée, loin de là, aux essais français). La CRIIRAD a mis en évidence en 2009 la persistance d’une contamination radioactive extrêmement élevée sur le site d’In Ekker où la lave répandue dans l’environnement lors du tir Béryl du 1er mai 1962 présente un niveau de contamination de plusieurs centaines de milliers de becquerels par kilogramme. Il s’agit de déchets radioactifs contenant du plutonium et laissés à l’air libre.

Il ne faut pas oublier non plus d’autres sources de contamination radiologique spécifiques dans le Sahara comme les déchets radioactifs issus des mines et des usines d’extraction de l’uranium qu’exploite ORANO au Niger (plusieurs dizaines de millions de tonnes de résidus à l’air libre).

 

 

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Rédaction : Bruno CHAREYRON, ingénieur en physique nucléaire, directeur du laboratoire de la CRIIRAD, avec les contributions de Jérémie MOTTE (ingénieur environnement, responsable du service balise), Corinne CASTANIER (référent réglementation-radioprotection) et Julien SYREN, ingénieur géologue (responsable du service radon).