27 octobre 1999 – Utilisation d’une substance radioactive, l’uranium appauvri, pour la fabrication d’émaux et la décoration d’objets usuels et de bijoux : lettre ouverte aux ministres et secrétaires d’État

Valence, le 27 octobre 1999

Objet : Utilisation d’une substance radioactive, l’uranium appauvri, pour la fabrication d’émaux et la décoration d’objets usuels et de bijoux

Ref. L -UA -CAST – 99/1027

 

 

Lettre ouverte aux ministres et secrétaires d’État
en charge de la Santé, de l’Environnement
et de la Protection des Consommateurs.
 

À la demande de la Coordination limousine anti-déchets radioactifs et de journalistes, notre laboratoire a procédé, ces dernières semaines, à divers contrôles radiologiques sur de la poudre d’émail jaune (n°17), provenant de la cristallerie Saint-Paul à Condat-sur-Vienne, et sur divers objets décoratifs (plaques émaillées, pendentif, bague). Les relevés radiamétriques indiquent une augmentation nette du flux de rayonnement, bien que les débits de dose restent faibles, au contact et à proximité des objets. L’analyse par spectrométrie gamma permet d’affirmer que la radioactivité provient de l’incorporation d’uranium appauvri.

Or, comme vous le savez, l’uranium appauvri est une substance radioactive, issue du cycle du combustible nucléaire. Sa “radioactivité” (activité massique totale) est de l’ordre de 40 millions de becquerels par kilogramme (40 MBq/kg). Les radionucléides qui la composent ont une forte toxicité, tant radiologique que chimique, dès lors qu’ils sont inhalés ou ingérés.

L’analyse de la poudre d’émail jaune n°17 a révélé un taux de radioactivité de 4 MB/kg ce qui indique un taux d’incorporation d’environ 10% dans les émaux. Ce produit a été manipulé sans précaution par des artistes, artisans, de simples particuliers, voire des enfants dans le cadre de stages. La commercialisation de ces poudres et objets s’est effectuée jusqu’à une date très récente, sans que le consommateur soit informé des risques associés.

Cette pratique constitue une violation des dispositions du décret 66-450 qui stipule qu’est interdite, depuis 1966, l’addition de substances radioactives dans les aliments, les cosmétiques et les produits à usage domestique.

Afin que soient déterminées les responsabilités des différents intervenants – société qui commercialise l’uranium appauvri (très probablement la COGÉMA), directeur de la cristallerie, organismes de contrôle – nous avons rédigé une plainte contre X qui sera déposée ces prochains jours entre les mains du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Limoges. L’enquête demandée devra également permettre d’établir les conditions de travail des employés de la cristallerie et les doses de rayonnement qu’ils ont pu recevoir dans le passé afin qu’ils puissent bénéficier, si nécessaire, de la protection associée à la reconnaissance des maladies professionnelles.

Ce dossier n’est pas un cas isolé. Depuis 13 ans que notre association s’est constituée, nous sommes régulièrement confrontés à des situations où des personnes se trouvent, à titre privé ou professionnel, exposées à leur insu à des matières ou des objets radioactifs. Aussi sollicitons-nous, aujourd’hui, l’intervention de vos ministères pour apporter, dans les meilleurs délais, une réponse d’ensemble aux problèmes soulevés par l’incorporation de substances radioactives aux biens de consommations.

Trois axes devraient être privilégiés :

1. le recensement

La première étape est de constituer, de rendre public, un inventaire exhaustif des matériaux, objets, instruments élaborés à partir de substances radioactives ou comportant une source radioactive qu’elle soit d’origine naturelle ou artificielle et qui pourrait se retrouver entre les mains de particuliers ou de travailleurs non informés. Une partie des informations sont déjà détenues par l’IPSN (pour les matières nucléaires dont l’uranium appauvri), la CIRÉA (pour les sources radioactives artificielles), l’OPRI et l’ANDRA, mais il reste des zones d’ombre et un important travail d’investigation sera nécessaire.

2. l’apurement du passif

Sur la base de cet inventaire, il faut procéder :

· à l’arrêt immédiat des activités illégales : celles interdites par l’articles 3 du décret 66-450 relatif aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants et celles qui génèrent une exposition supérieure aux limites fondamentales de dose.

· au réexamen de l’ensemble des pratiques régulièrement autorisées : le réexamen devra tenir compte de la réévaluation à la hausse de l’effet cancérigène des rayonnements ionisants et de l’obligation de justifier le risque radiologique induit. Pour chaque pratique, il faut vérifier s’il n’existe pas d’alternative moins dangereuse, si le produit radioactif est vraiment indispensable, évaluer les risques qu’il induit tant chez les travailleurs que dans le public, etc.

3. des garanties pour l’avenir

a. le maintien des interdictions
Comme vous le savez sans doute, la directive EURATOM 96/29 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs est en cours de transposition dans notre droit. Ce texte prévoit la suppression des interdictions relatives à l’ajout de substances radioactives dans les produits à usage domestique. Il est essentiel que cette interdiction soient maintenue et renforcée. L’utilisation des substances et sources radioactives doit rester exceptionnelle, les dérogations ne devant être délivrées qu’après étude approfondie et vérification de leur justification.

b. l’examen rigoureux et pluraliste de toute nouvelle demande d’autorisation
Il est indispensable de vérifier l’absence de solution alternative et l’existence d’une solution de stockage pour les déchets radioactifs induits ; d’évaluer précisément les doses susceptibles d’être reçues par le public et les travailleurs tout au long de la chaîne – production, utilisation, maintenance, transport, recyclage – tant en situation normale qu’accidentelle. Par ailleurs, le dossier ne doit pas rester confiné entre l’administration et l’industriel qui présente sa demande. Une commission pluraliste placée sous la responsabilité de vos ministères respectifs, et associant des représentants des travailleurs, des associations, de la médecine du travail , garantirait la transparence des débats et la prise en compte des intérêts sanitaires et environnementaux.

Nous souhaitons, pour terminer, attirer votre attention sur l’importance que le public attache à l’absence de nocivité des produits et au respect de son droit à l’information. Nous vous adresserons prochainement les 22 000 signatures recueillies en quelques mois par la pétition contre l’utilisation de substances radioactives dans la fabrication des matériaux de construction.

Nous espérons pouvoir compter sur votre appui et sommes à votre entière disposition pour vous exposer en détail tous les aspects de ce dossier. Vous trouverez dans l’annexe jointe un rapport plus circonstancié. Nous tenons également à votre disposition le compte rendu technique détaillé de nos mesures radiamétriques et des analyses par spectrométrie gamma.

Restant dans l’attente de votre décision, nous vous prions de croire, Madame la ministre, Mesdames les secrétaires d’État, à l’assurance de notre très respectueuse et sincère considération.

Pour la CRII-RAD, la directrice
Corinne CASTANIER


Lettre ouverte aux ministres et secrétaires d’État
en charge de la Santé, de l’Environnement et de la Protection des consommateurs.
 

ANNEXE
 

1. Exposé succinct

En septembre dernier, des membres de la coordination limousine anti-déchets radioactifs (CLADE) ont transmis à notre laboratoire un échantillon de poudre de couleur jaune pour contrôle radiamétrique et analyse par spectrométrie gamma. Cette poudre, qui provient de la cristallerie Saint-Paul, à Condat-sur-Vienne, est référencée et commercialisée sous le numéro 17. Les informations et témoignages recueillis attestent qu’elle est utilisée par des professionnels et des particuliers pour des travaux d’émaillage. Nous avons pu vérifier sa présence sur des plaques décoratives et des bijoux (croix, bague ou broche) que des journalistes ont achetés chez des commerçants de la région.

Les contrôles effectués nous ont permis de démontrer que cette poudre d’émailleur est élaborée à partir d’uranium appauvri. Le résultat des mesures et les commentaires associés sont présentés dans un dossier technique séparé. Pour résumer, nous rappellerons seulement que l’uranium appauvri est une matière nucléaire au sens de la loi n°80-572 modifiée et du décret n°81-512 et qu’il s’agit d’un produit issu du cycle du combustible nucléaire. L’analyse atteste en effet :
– la présence exclusive des isotopes de l’uranium et de leurs descendants immédiats ce qui prouve que l’élément uranium a été extrait du minerai uranifère, purifié et concentré ;
– un taux d’uranium 235 de 0,23%, alors que la teneur naturelle est de 0,7%, ce qui démontre qu’il s’agit d’un sous-produit de l’enrichissement de l’uranium naturel.

L’uranium appauvri est caractérisé par :
– l’émission de rayonnements peu pénétrants (même si les risques liés à l’exposition externe ne sont pas négligeables) mais très irradiants en cas d’incorporation. À la radiotoxicité de l’uranium, s’ajoute d’ailleurs sa toxicité chimique.
– une “durée de vie” excessivement longue à l’échelle humaine : l’activité de l’uranium 238 ne diminue de moitié qu’en 4,5 milliards d’années ; celle de l’uranium 235 en 700 millions d’années ;
– une activité massique totale de l’ordre de 40 millions de becquerels par kilogramme (40 MBq/kg).

L’analyse par spectrométrie gamma nous a permis d’établir que l’activité massique totale de la poudre d’émail est comprise entre 3,5 et 4,8 MBq/kg (1), ce qui indique que l’uranium appauvri est incorporé à 10% dans la poudre d’émaillage, le reste étant constitué du “fondant” (mélange de silice, minium, potasse et soude).

Ce produit radioactif peut être commandé, au tarif de 320 F TTC le kilogramme de poudre jaune n°15 et de 480 F TTC pour le n°17. Depuis octobre 1999, suite à l’intervention de membres du CLADE et de l’OPRI, le bon de commande est accompagné de mises en garde sur les risques associés. Jusqu’alors cependant, ce sont l’ignorance et les comportements à risque qui ont prévalu, les poudres sont manipulées à mains nues, sans masque, ni protection du cristallin pour des travaux de précision au plus près des émaux.

Rappelons que la directive EURATOM 96/29 fixe à 10 microsieverts par an, la limite au-delà de laquelle l’impact d’une seule pratique (activité générant une exposition aux rayonnements ionisants) ne peut plus être considéré comme négligeable. Ce niveau d’exposition est atteint par la simple inhalation de 0,00014 à 0,00045 grammes de cette poudre (le chiffre varie selon que la contamination concerne un enfant en bas-âge ou un adulte). La limite annuelle de 1 millisievert par an qui fixe le niveau de risque maximum tolérable du fait de la contribution de l’ensemble des expositions industrielles est atteinte avec des incorporations de 0,014 à 0,045 grammes (2).

Les risques les plus importants sont associés à la manipulation de la poudre d’oxyde d’uranium appauvri (pour les seuls employés de la cristallerie) et de la poudre d’émaillage (pour les employés mais aussi les artisans et les amateurs) mais les particuliers peuvent également acheter des bijoux, parements, poterie, vases,objets usuels ou décoratifs ornés d’émaux radioactifs sans que cette caractéristique soit portée à leur connaissance.

 

2. Plainte contre X
Le décret 66-450 du 20 juin 1966, modifié par les décrets 88-521 du 18/4/88 et 94-604 du 19/7/94, relatif aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants, dispose, en son article 3, qu’est interdite “l’addition de substances radioactives dans la fabrication de produits à usage domestique”.

Une plainte contre X a été rédigée et sera déposée mardi 2 novembre 1999 entre les mains du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Limoges.

Nous souhaitons que soient déterminées :

· la responsabilité des producteurs d’uranium appauvri qui récupèrent de l’argent en injectant une partie de leur stock dans des circuits banalisés ;

· la responsabilité du SCPRI (devenu l’OPRI en 1994) qui durant des années a délivré des autorisations à la cristallerie, en violation des dispositions réglementaires qu’il était censé faire appliquer et sans être habilité à le faire ;

· la responsabilité des directeurs de la cristallerie et l’éclaircissement des responsabilités respectives du nouveau directeur et de l’OPRI : le premier affirme, dans un courrier à ses clients daté d’octobre 1999, qu’il a relancé la fabrication des émaux jaunes n°15 et 17, “ayant eu l’autorisation de l’OPRI pour l’année 1999 ” alors que cet organisme soutient n’avoir délivré aucune autorisation, n’en ayant pas le pouvoir réglementaire… (mais écrit toutefois au directeur qu’il n’émet “aucune objection” à cette activité) ;

· la responsabilité des organismes chargés du contrôle des installations qui mettent en oeuvre des substances radioactives et du respect des règles destinées à protéger les travailleurs et le public contre les dangers des rayonnements ionisants ;

· la responsabilité des entreprises qui ont commercialisé des substances ou des objets radioactifs sans en informer les acheteurs, professionnels ou simples particuliers.

 

3. Demande d’intervention des autorités
 

Sur la base de ce nouveau dossier et des nombreux constats effectués par notre laboratoire au cours de ces dix dernières années, nous sollicitons l’intervention des ministres en charge de la Santé, de l’Environnement et de la Protection des consommateurs :
– afin que soit établi et publié un inventaire exhaustif des substances radioactives, sources et matériaux, utilisées pour la fabrication des biens de consommation,
– afin que l’on apure le passif en procédant au réexamen des dossiers
– et que l’on mette en place, pour l’avenir, un dispositif transparent qui garantisse le respect des intérêts sanitaires et environnementaux.

1. La réalisation d’un état des lieux exhaustif dont le résultat devra être rendu public.

Ce recensement devra comptabiliser et décrire les objets et applications concernées, les substances radioactives mises en oeuvre, leur forme, leur activité, les risques associés, les précautions à prendre, les procédures de récupération en fin d’utilisation, etc.

Concernant l’utilisation d’uranium appauvri (UA), nous avons pu identifier deux catégories d’applications selon qu’elles utilisent la densité ou les possibilités de coloration de l’uranium. La densité exceptionnelle de l’uranium explique qu’il soit utilisé pour la fabrication de protections biologiques, de contrepoids, en particulier dans l’aéronautique, et, de façon anecdotique, pour réaliser la quille de Pen Duik VI L’uranium est également utilisé pour la pigmentation de matériaux (carreaux, céramiques) ou la coloration d’émaux ou du cristal.

D’après l’Institut de Protection Sûreté Nucléaire (IPSN), un peu plus de 23 tonnes d’uranium appauvri seraient détenues par 252 sociétés déclarantes (3), essentiellement sous forme de protections biologiques. Cet organisme n’a pas pu nous indiquer les tonnages circulant dans les sociétés les plus importantes, celles qui sont soumises à l’autorisation préalable du ministre de l’Industrie. Par ailleurs, nous ignorons également les tonnages d’UA utilisés pour des applications militaires – pour la fabrication de projectiles, obus, obus-flèches, missiles – ou de blindages et qui pourraient constituer l’une des principales applications. Des informations précises doivent être recueillies sur l’origine de l’UA, le chiffre d’affaire que cela représente pour les producteurs, les volumes injectés annuellement dans des applications civiles non nucléaires, la gestion des stocks mis au rebut : d’après nos informations, l’ANDRA refuserait de prendre en charge les déchets d’UA qui seraient entreposés, faute de mieux, chez des récupérateurs de métaux.

La banalisation de l’uranium appauvri n’est pas un dossier unique : au hasard de nos recherches, des interpellations des associations, des inquiétudes des particuliers, notre laboratoire a mis au jour diverses applications : des contrôles sur une épave de mirage F1 ont révélé l’utilisation de thorium radioactif dans les moteurs d’avions ; des mesures radiamétriques et spectrométriques sur des carreaux de cuisine envoyés par un particulier ont prouvé la présence d’une couche d’uranium pur ; des mesures sur des manchons luminescents et des baguettes de soudure ont démontré qu’ils étaient constitués de thorium radioactif ; de nombreuses mesures ont été réalisées sur des détecteurs de fumées à l’américium 241, des montres et des boussoles au radium 226 et au tritium, des émanateurs de radon au radium 226, des paratonnerres, etc. Des contrôles inopinés dans une décharge nous ont permis d’identifier la présence de silicate de sodium radioactif qui sera ensuite incorporé dans des laines de verre, etc. Dans tous les cas, nous avons constaté l’absence ou l’insuffisance de l’information et des contrôles.
Des progrès ont été accomplis ces dernières années, en particulier en milieu professionnel, dans certaines compagnies aériennes par exemple (4) – mais ils concernent essentiellement la gestion du risque. Il faut désormais s’interroger sur sa justification.

 

2. Le réexamen des dossiers, à la lumière
des dispositions réglementaires et de l’obligation de justification du risque radiologique induit.

Le recensement que nous demandons doit permettre le réexamen de l’ensemble des dossiers. Les activités qui se sont développées en violation des interdictions définies par le décret 66-450 modifié (utilisation dans des jouets, cosmétiques, produits à usage domestique) doivent être rapidement identifiées et supprimées.

Les pratiques autorisées doivent être réévaluées, par ordre d’urgence sanitaire ou environnementale, conformément aux recommandations de la Commission Internationale de Protection Radiologique (publication n°60 – page 30), recommandations reprises dans les dispositions de la Directive 96/29 (titre IV, article 6) qui vont être transposées en droit français dans les mois qui viennent. Il est clairement précisé que les pratiques impliquant des expositions aux rayonnements ne doivent pas être adoptées à moins qu’elles n’apportent un avantage suffisant aux individus exposés ou à la société qui contrebalance le détriment radiologique qu’elles induisent.

Le texte de la CIPR, comme celui de la directive EURATOM, précise bien que la justification n’est pas acquise définitivement : “Le processus de justification est nécessaire, non seulement lorsqu’une nouvelle pratique est en passe d’être introduite, mais aussi lorsque des pratiques existantes sont réexaminées à la lumière de nouvelles informations relatives à leur efficacité ou leurs conséquences. Si un tel examen indique qu’on ne peut plus déclarer cette pratique comme produisant suffisamment d’avantages pour compenser le détriment total, la suppression de cette pratique devrait être envisagée.”

Cette évaluation suppose l’étude approfondie et exhaustive de l’exposition des travailleurs tout au long de la chaîne : fabrication des sources et des équipements radioactifs, utilisation, maintenance, transport, recyclage (contrôlé ou sauvage), le tout en situation normale et accidentelle. À cet égard, il ne faut pas oublier d’inclure dans le bilan la question de l’information et de l’exposition des services de secours (l’incendie, le 9/10/99 d’une remorque transportant 900 détecteurs de fumée à l’américium 241 vient de le rappeler).
Doivent également être évaluées les doses reçues par le public dans le cadre des utilisations, normales comme accidentelles, des produits concernés, en tant que premier acheteur ou réutilisateur d’objet recyclés. Les risques et les coûts liés à la gestion des sources et matériaux en fin d’utilisation doivent également être examinés.

 

3. L’instauration d’une nouvelle procédure et de critères très stricts pour la délivrance des nouvelles autorisations.

a. Le maintien des interdictions.

Comme vous le savez sans doute, la directive EURATOM 96/29 comportent des avancées en matière de radioprotection, mais aussi des dispositions discutables qui restent très en retrait sur plusieurs questions clefs de la radioprotection. Ceci s’explique très certainement par la nécessité d’établir un texte commun à l’ensemble des États de l’Union européenne.
A ainsi disparu la mention stipulant qu’il est interdit d’ajouter des substances radioactives dans les produits à usage domestique. La règle générale serait désormais l’autorisation préalable, assortie qui plus est de possibilités de dispense.
Les députés européens ont heureusement obtenu que les États puissent transposer la directive dans un sens plus protecteur. Aussi est-il possible, et nécessaire, de maintenir et même de renforcer les interdictions existantes.
L’interdiction d’ajouter des substances radioactives aux biens de consommation devrait constituer la règle, le recours à des substances radioactives (sources, matériaux) relevant d’un régime dérogatoire, accordé après étude approfondie du dossier.

b. La réorganisation des autorisations.

Dans cette perspective, les autorisations ne devraient être délivrées qu’après examen complet, pluraliste et transparent des demandes.
À cet égard, il nous parait nécessaire que l’attribution des dérogations relève d’un organisme précisément défini et habilité à instruire les dossiers et placé sous la responsabilité et le contrôle des ministres en charge de la Santé, de l’Environnement et des consommateurs. Il y a actuellement beaucoup d’intervenants et de confusion entre l’inspection du travail, les DRIRE, les agents de l’OPRI qui n’ont pas le pouvoir de dresser des procès-verbaux, l’IPSN qui suit tous les flux de matière radioactives pour le ministre de l’Industrie et donc sans aucune mission sanitaire ou environnementale, etc.
Il est par ailleurs indispensable que chaque dossier soit examiné par une commission pluraliste, associant des représentants des associations de consommateurs et de protection de l’environnement, des médecins du travail ainsi que des représentants des travailleurs des professions les plus exposées (services de secours, transporteurs, récupérateurs de métaux) et de celles qui seront concernées par l’introduction du procédé, etc. Il s’agit de mettre en place une structure garantissant l’accès aux dossiers et le débat sur la définition du risque acceptable.

Des critères devront être définis et rendus publics. Parmi ceux-ci, il nous paraît nécessaire que figure l’existence de solutions pour la gestion et le stockage en toute sécurité des objets et matériaux mis au rebut.
On ne peut en effet que s’étonner que des sources et des objets radioactifs soient fabriqués et commercialisés alors qu’il n’existe aucune solution d’élimination.

C’est le cas des sources de tritium qui posent problème compte tenu des capacités de diffusion de ce radionucléide, des matériaux au thorium ou à l’uranium du fait de leur très longue période radioactive, des sources de radium 226 qui génèrent du radon, des sources d’américium 241 (radionucléide à vie longue). Les déchets d’uranium appauvri seraient ainsi dirigés, faute de mieux, vers des récupérateurs de métaux agréés ; les déchets tritiés s’accumulent dans des entreposages transitoires sur des sites fermés comme Valduc.

Certains élus ou hauts fonctionnaires en appellent régulièrement à la responsabilité des citoyens, à leur devoir vis-à-vis des générations futures dans le but d’obtenir l’acceptation de l’enfouissement des déchets à vie longue. Ce discours ne peut être reçu que dans la mesure où le citoyen est également appelé à exercer sa responsabilité en amont, quand il s’agit de décider d’autoriser ou non la fabrication de sources et de matériaux qui deviendront après utilisation des déchets radioactifs.

Les dossiers devraient présenter les modalités de suivi, de récupération et de recyclage par le fabricant ainsi que la garantie de prise en charge par l’ANDRA dans des sites de stockage construits et habilités. Le suivi sanitaire et environnemental devrait être renforcé. Un contrôle analogue à celui mis en place pour les sources artificielles devrait, par exemple, être établi pour les radionucléides d’origine naturelle.

 

(1) évaluation par défaut et par excès selon les hypothèses retenues pour l’activité de l’uranium 234.

(2) ces valeurs sont calculées d’après les coefficients de dose de la directive 96/29 définis pour les oxydes, sur la base des activités mesurées dans la poudre n°17, soit 1 182 300 Bq/kg en uranium 238 et en admettant une activité égale pour l’uranium 234.

(3) les entreprises qui détiennent entre 1 kg et 500 kg d’uranium appauvri sont soumises à un simple régime de déclaration annuelle à l’IPSN ; celles qui détiennent plus de 500 kg d’uranium appauvri doivent obtenir une autorisation préalable.

(4) certains avions cumulent en effet les sources radioactives : contrepoids à l’uranium appauvri, détecteurs de fumée à l’américium 241 et sources considérable de tritium dans les panneaux radioluminescents.