18/01/2001 – L’uranium appauvri : des enjeux environnementaux, sanitaires et éthiques

Version du 18/01/2001

L’URANIUM APPAUVRI
Des enjeux environnementaux, sanitaires et éthiques
Un déchet radioactif dangereux
utilisé comme une matière première banale !
L’uranium appauvri (UA) est devenu, au fil des années, une matière première d’utilisation banale : au total, plus d’un million de balles et d’obus à l’UA ont été tirés lors des guerres du Golfe, de Bosnie et du Kosovo ; plus d’un millier d’avions ont été équipés de contrepoids à l’UA et plusieurs centaines d’entre eux survolent encore nos territoires ; l’UA est couramment utilisé pour fabriquer des conteneurs pour les sources et les déchets radioactifs ; l’artisanat a également recouru à l’UA pour la coloration des verres et des émaux
Cet engouement s’explique par les qualités particulières de ce métal gris argenté : densité exceptionnelle, coût modique et disponibilité absolue : près d’un million de tonnes sont entreposées de par le monde. Sous sa forme métallique, il est pyrophorique ; sous forme d’oxyde, il permet la fabrication de pigments très appréciés des professionnels.

Le problème, c’est que l’uranium appauvri est aussi une substance radioactive, toxique tant sur le plan chimique que radiologique. La réglementation impose d’ailleurs que ce sous-produit de l’industrie nucléaire, soit surveillé et confiné afin d’éviter toute contamination de l’environnement et de ceux qui y vivent.
Les utilisations civiles et militaires de l’UA constituent ainsi une violation flagrante des règles fondamentales de radioprotection. Ces infractions n’ont pourtant provoqué ni procès, ni sanction. Plusieurs éléments expliquent que ce développement massif se soit effectué en toute impunité.
Il faut rappeler, en tout premier lieu, le régime très spécial dont a bénéficié l’industrie de l’uranium dès les années 50 : la mise au point de l’arme atomique, puis le lancement des programmes électronucléaire exigeait un fort développement de la production d’uranium et il fallait éviter que les industriels ne soient gênés par des normes sanitaires trop sévères. Cela a conduit à de véritables aberrations (ainsi la méthode de comptabilisation de la radioactivité des déchets d’extraction de l’uranium qui permet de diviser par plus de 10 000, en toute ” légalité “, leur dangerosité réelle). L’uranium devait rester, coûte que coûte, une matière naturelle quasi inoffensive.
La diffusion de l’UA a également été soutenue par la rencontre de l’offre et de la demande : d’un côté des stocks d’UA qu’il faut surveiller pendant des milliards d’années ce qui coûte très cher ; de l’autre des industriels et des gouvernements prêts à payer pour obtenir cette matière qui leur confère un avantage décisif.
La confidentialité a également constitué un atout décisif, surtout pour les utilisations militaires : aux Etats-Unis comme en France, l’adoption de ces armes radioactives s’est faite en dehors de tout processus démocratique ;
Enfin, quand des questions ont commencé à être posées, les autorités et leurs experts ont tout mis en oeuvre – propos rassurants, vérités tronquées et jusqu’aux mensonges les plus grossiers – pour clore rapidement le débat.

La CRIIRAD travaille depuis 1998 sur le dossier de l’uranium appauvri. Les analyses réalisées alors par son laboratoire sur de la poudre d’émail de couleur jaune avaient démontré qu’elles contenaient près de 10 % d’UA. Cogéma approvisionnait la cristallerie Saint-Paul sans que les autorités de contrôle y trouvent à redire et les poudres uranifères étaient en accès libre dans les magasins de Limoges et les placards des écoles.
Au printemps 2000, au terme de longs mois de discussions et grâce à la forte mobilisation de l’opinion, la CRIIRAD a obtenu que l’ajout de substances radioactives dans les biens de consommation reste interdit. Des objets radioactifs ne devraient plus parvenir incognito à notre domicile.
Une victoire, certes, mais encore limitée : ni les contrepoids des avions, ni les obus ne sont considérés comme des ” biens de consommation “. Si l’industrie civile (l’aéronautique en particulier) semble limiter progressivement l’emploi de ce métal radioactif, les applications militaires sont par contre en plein développement.

Les armes capables de polluer durablement l’environnement et de contaminer les populations civiles sont théoriquement interdites par les conventions internationales. Les Etats-Unis ont passé outre, notre pays aussi et la liste ne fait que s’accroître. Quand tous les pays seront dotés d’armes à l’UA, tout avantage tactique aura disparu… mais la pollution restera, et pour longtemps, avec son cortège de décès, de maladies, de cancers et de malformations.
A-t-on le droit de fabriquer des armes qui hypothèquent l’avenir de populations innocentes et font payer aux enfants le plus lourd tribut ?
Cette question doit interpeller chacun de nous et le soin d’y répondre ne doit pas être laissé à quelques décideurs anonymes.

 

POUR EN FINIR AVEC LES MENSONGES
Quelques mises au point de la CRIIRAD.

1. Une radioactivité très supérieure à ce que l’on trouve dans la nature.

Interrogé le 4 mai 1999, sur l’utilisation de munitions à l’uranium appauvri dans les bombardements au Kosovo et en Serbie, le général Walter JERTZ se voulait rassurant : ” Cet uranium n’est pas fortement radioactif et on peut trouver ce taux de radioactivité dans le sol ou dans les roches à l’état naturel. ”
L’uranium, c’est vrai, est un élément omniprésent dans notre environnement : où que l’on se trouve sur notre planète, le sol contient de l’uranium. Les teneurs varient légèrement, mais, la moyenne mondiale se situe autour de 40 Bq/kg (becquerels par kilogramme) pour l’uranium 238 et de 2 Bq/kg pour l’uranium 235. Ces niveaux ne sont pas totalement inoffensifs, mais ils restent relativement faibles.
Dans l’uranium appauvri, l’activité de l’uranium 238 n’est plus de 40 Bq/kg mais de 12 400 000 Bq/kg, c’est-à-dire 300 000 fois plus ; l’activité de l’uranium 235 n’est plus de 2 Bq/kg mais de 160 000 Bq/kg, c’est-à-dire 80 000 fois plus !

S’il y a une telle différence, c’est que l’uranium appauvri n’a rien d’une substance naturelle : c’est un produit élaboré à l’issu de tout un processus industriel.

2. L’UA n’est pas un produit naturel, mais un sous-produit de l’industrie nucléaire.

L’uranium est le combustible qui alimente les réacteurs nucléaires à neutrons thermiques. Pour le fabriquer, les étapes sont nombreuses. Il faut d’abord trouver des filons uranifères : dans un sol standard, il y a entre 2 et 4 grammes d’uranium par tonne. C’est très peu ; ce n’est pas là que l’on va rechercher l’uranium mais dans des gisements où la teneur du minerai est de l’ordre de 0,5 à 10 kg par tonne. Une fois le minerai extrait, on va lui faire subir différents traitements destinés à concentrer l’uranium : concassage, broyage, extraction de l’uranium par attaques chimiques, raffinage de la solution obtenue (le yellow cake) pour éliminer les impuretés. On parvient ainsi à un concentré contenant 100 % d’uranium naturel.
Cet uranium est dit naturel car il ne contient que des isotopes qui existent dans la nature et dans des proportions elles aussi naturelles (cf. tableau ci-après).
Des 3 uraniums présents (U238, U235 et U234), seul l’uranium 235 est fissile, c’est-à-dire capable d’alimenter la réaction en chaîne et de produire de l’énergie. Comme il ne constitue que 0,72 % de l’uranium naturel, il est nécessaire d’augmenter sa concentration afin de l’utiliser comme combustible nucléaire. On dit qu’on enrichit l’uranium naturel en uranium 235. Le procédé le plus utilisé est celui de la diffusion gazeuse, basé sur la légère différence de masse entre l’U235 et l’U238. Ce traitement génère très logiquement deux produits : environ 14 % d’uranium enrichi (qui contient désormais 3,5 % d’uranium 235 pour un réacteur français classique) et 86 % d’uranium appauvri (dont la teneur en uranium 235 n’est plus que de 0,2 à 0,3 %). Un réacteur nucléaire de 900 MWe contient environ 73 tonnes d’uranium enrichi. Pour fabriquer ce combustible on a donc produit près de 450 tonnes d’uranium appauvri. Cette production continue explique l’importance des stocks : de l’ordre de 160 000 tonnes pour la France.

3. APPAUVRI ne signifie pas inoffensif.

Au journal de 20h, sur TF1, le 4/1/2001, le commentateur était affirmatif : ” Voici un obus-flèche. Sa pointe est en uranium appauvri. Comme son nom l’indique, c’est un métal dont la radioactivité est devenue négligeable (…)”.

La différence entre l’uranium naturel et l’uranium appauvri (cf. tableau ci-contre) provient essentiellement d’une légère modification dans la proportion d’uranium 238 (augmentée de 99,2 % à 99,8 %) et d’uranium 235 (diminuée de 0,7 à 0,2 %). Comme l’activité spécifique de l’uranium 238 est inférieure à celle de l’uranium 235, la radioactivité de l’uranium appauvri est légèrement inférieure à celle de l’uranium naturel (d’environ 23 %) : 51 500 000 Bq/kg pour l’uranium naturel et 39 900 000 Bq/kg pour l’uranium appauvri. Ce taux de radioactivité n’a rien de négligeable. Il est très supérieur (4 000 fois) au seuil réglementaire qui impose l’application des règles de radioprotection : confinement en conteneurs étanches et résistants au feu, surveillance dosimétrique du personnel, inspections, etc..

 

Comparaison : uranium naturel / uranium appauvri (UA)

 Radionucléide

Uranium 238

Thorium 234

Protactinium 234m

Uranium 234

Uranium 235

Thorium 231

Uranium 236

  U naturel
99,277 %
traces
traces
0,0058 %
0,717 %
traces
0 %
  U appauvri
99,79 %
traces
traces
0,001 %
0,2 %
traces
0,0003 %

Note : la composition de l’UA présentée ci-dessus est celle reconnue par autorités américaines (AEPI).
On remarque la présence d’uranium 236, un radionucléide qui n’existe pas dans la nature. Cela signifie que l’UA provient de l’enrichissement d’uranium de retraitement, un uranium extrait de combustibles nucléaires irradiés en réacteur. Du fait de son origine, l’uranium de retraitement est pollué par des produits radioactifs artificiels créés par le flux de neutrons : ainsi l’uranium 236, le ruthénium 106, le technétium 99, les transuraniens (plutonium, neptunium…).
Le taux de 0,0003 % (s’il est exact) est trop faible pour qu’il s’agisse d’UA issu uniquement de retraitement. Il semblerait que l’UA utilisé par les Etats-Unis (et par conséquent par le Royaume-Uni et la France) soit un mélange de deux types d’uranium appauvri : celui qui provient de l’enrichissement de l’uranium naturel (qui ne contient que des produits naturels) et celui issu du retraitement de combustibles civils ou militaires.

4. L’uranium appauvri émet des rayonnements alpha très irradiants.

Le 30 août 2000 (Le Figaro), M. Alain RICHARD, ministre de la Défense a tenu à rassurer ceux qui s’inquiètent : ” Sur l’uranium appauvri, qui est un composant de métal pour durcir les obus de blindés, je rappelle qu’il ne s’agit aucunement d’un élément provoquant des radiations.

Il est difficile d’imaginer déclaration plus erronée : l’UA est composé à 100 % d’atomes radioactifs. Un kilogramme d’UA émet en permanence, et pour des milliards d’années, plus de 40 millions de ” radiations ” par seconde. Ces ” radiations ” sont des rayonnements très énergétiques capables d’irradier la matière qu’ils traversent. Trois types de rayonnements sont émis par l’UA : gamma (rayonnements électromagnétiques très pénétrants), bêta (particules formées d’1 électron) et alpha (particules peu pénétrantes mais très énergétiques formées de 2 neutrons et de 2 protons).
Les particules alpha émises par les uraniums ont des énergies moyennes comprises entre 4 100 000 et 4 800 000 électrons-volts (eV). Sachant que quelques dizaines d’eV suffisent à casser une molécule (15 eV pour une molécule d’eau), cela signifie que la désintégration d’un seul atome d’uranium est capable de créer plus de 100 000 lésions dans la cellule où il s’est fixé. Le système de réparation cellulaire est très efficace, mais pas à 100 % : une cellule mal réparée peut être transformée en cellule mutée qui peut être à l’origine d’un processus de cancérisation.

5. Manipuler de l’uranium appauvri à mains nues n’est pas sans risque.

Sur France Inter, le 8/1/2001, Dominique Bromberger affirmait : ” Il y a un accord général de la communauté scientifique sur le fait que la manipulation de l’uranium appauvri ne représente aucun danger “.

De nombreux ” experts ” affirment en effet que l’uranium appauvri n’est pas dangereux tant qu’il n’est pas inhalé ou ingéré, tant qu’il reste à l’extérieur de l’organisme.
C’est malheureusement inexact : manipuler des objets en UA ou rester à leur proximité immédiate n’est pas sans risque (*). L’erreur vient de ce que ces ” experts ” ne considèrent que les particules alpha émises par les uraniums : ces rayonnements sont en effet arrêtés par la couche de cellules mortes de la peau. Sauf lésions particulières, les risques sont donc négligeables, mais il faut aussi tenir compte du rayonnement gamma (assez faible) et, surtout, du rayonnement bêta émis par 3 autres produits radioactifs présents dans l’UA : le thorium 234, le protactinium 234m et le thorium 231. Les particules bêta ont un parcours plus long que les alpha et peuvent irradier les couches basales de la peau, c’est-à-dire les cellules sensibles qui assurent le renouvellement de l’épithélium.

Si l’on se réfère aux résultats publiés par les autorités militaires américaines, le débit de dose au contact de l’UA serait de 2 millisieverts par heure (mSv/h). Sachant que la limite de dose à la peau est de 50 mSv par an (pour 1 cm2 de peau), on peut aisément concevoir des situations conduisant au dépassement de la limite réglementaire : c’est le cas, par exemple, d’un enfant qui récupèrerait une balle de 30 mm qui n’a pas explosé (munition en forme de cigare, donc assez attractive) et qui jouerait avec une demi-heure par semaine.

Il faut préciser que l’UA est parfois protégé par un revêtement qui atténue les rayonnements qu’il émet : c’est le cas du blindage à l’UA du char Abrams. Dans ces conditions, les risques sont fortement diminués : une couche de peinture arrête les rayonnements alpha, une feuille d’aluminium arrête les rayonnements bêta, le rayonnement gamma est d’autant plus atténué que l’épaisseur de blindage augmente.

(*) même si la toxicité de l’UA est nettement plus importante en cas de contamination interne, surtout par inhalation.

 

6. L’uranium est cancérigène et peut être à l’origine de leucémies.

Alors qu’on annonce des taux de cancers et de leucémies anormalement élevés chez les soldats qui ont servi dans les Balkans, les responsables français sont catégoriques :

Jean-François BUREAU, porte-parole du Ministre de la Défense déclare ainsi sur LCI (le 4/1/2001) : ” Aucune étude pour l’instant ne prouve que l’uranium appauvri peut provoquer des maladies de type cancéreux ou leucémique. ” ; ” L’uranium appauvri présente un risque en tant que métal lourd, c’est un peu comme le plomb. Il peut y avoir des risques sur le foie, des risques sur les reins ... donc ce n’est pas la leucémie “.
Des propos confirmés par M. METIVIER (Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire) : ” Ce que je mets en doute c’est un lien avec l’uranium appauvri. Ça ne correspond pas du tout avec les connaissances que nous avons depuis 50 ans sur la toxicité de l’uranium. ”

Ces affirmations sont stupéfiantes. L’uranium appauvri est toxique tant sur le plan chimique que radiologique. En cas d’inhalation de microparticules d’oxydes insolubles (comme c’est souvent le cas après l’explosion de munitions à l’UA), c’est d’ailleurs le risque radiologique qui est le plus important. Quand l’UA est incorporé sous forme soluble, c’est la toxicité chimique qui prévaut : le rein, et secondairement le foie, sont les organes les plus exposés. De toutes façons, les deux toxicités s’additionnent.
Lorsque de l’UA a été incorporé (par inhalation, ingestion ou blessure), l’irradiation des cellules se poursuit aussi longtemps que les particules radioactives séjournent dans l’organisme (de quelques heures… à plusieurs années selon les formes chimiques et les organes de dépôt ). Les organes les plus exposés sont ceux où l’uranium va se fixer en plus grande quantité et où il restera le plus longtemps.
Les modèles dosimétriques établis au niveau international indiquent qu’en cas d’inhalation d’oxydes d’uranium, les organes les plus irradiés sont les poumons, les ganglions lymphatiques, les reins et les os. En conséquence, les risques associés sont les cancers du poumon, des reins, des os (du fait de l’irradiation des surfaces osseuses) et la leucémie (du fait de l’irradiation de la moelle osseuse et des tissus lymphatiques où se trouvent les cellules souches qui fabriquent les globules blancs, rouges et les thrombocytes).* Les risques cancérigènes concernent d’autres organes (foie, muscles, cerveau… : même si le risque est plus faible, il n’est pas nul. L’atteinte de la moelle osseuse peut aussi entraîner l’altération des défenses immunitaires (monocytopénie).
L’uranium se retrouve également dans les gonades (spermatozoïdes, ovaires) d’où le risque de transmission d’anomalies génétiques à la descendance. Des analyses effectuées sur des vétérans de la guerre du Golfe blessés par des munitions à l’UA ont montré que leur sperme était contaminé.
Une contamination ne provoque pas nécessairement un cancer : la dose de rayonnement reçue ne fait qu’augmenter la probabilité de déclencher ultérieurement un cancer. Le risque est fonction de la dose reçue. D’après les modèles réglementaires, le risque augmente avec la dose (relation linéaire sans seuil). A faible niveau de contamination, la probabilité de développer un cancer radioinduit est extrêmement faible. Plus la dose augmente plus le risque augmente.

 


La preuve expérimentale de l’action cancérigène de l’UA
Des chercheurs (A. C. Miller et al.) ont étudié, en 1998, les conséquences de l’exposition de cellules humaines saines à de l’UA. Les cellules choisies étaient des ostéoblastes, c’est-à-dire des cellules des os. Un lot de cellules a été placé pendant 24 heures dans une solution contaminée par de l’UA. Un second lot est resté indemne. Les cellules ont ensuite été inoculées à des souris. En 5 semaines, plus de la moitié des souris auxquelles les cellules exposées à l’UA avaient été injectées ont développé des tumeurs. Aucun problème n’a été décelé chez les autres souris, même au bout de 9 mois de surveillance.


 

7. L’utilisation d’armes à l’UA a été condamnée par les Nations unies.

Jean-François BUREAU, porte-parole du ministère de la Défense (jeudi 4 janvier 2001) : ” Les armes à l’uranium appauvri ne sont pas des armes interdites par la communauté internationale. C’est très clair. Juridiquement les choses sont très claires. “.

Par une résolution datée d’août 1996 (n°96/16), la sous-commission des droits de l’Homme des Nations unies a classé les munitions à l’uranium appauvri parmi les armes dites inhumaines qui doivent être éliminées : armes atomiques, chimiques, bactériologiques, à fragmentation, napalm… Les conventions internationales interdisent l’emploi d’armes qui frappent sans discrimination les populations civiles et qui causent des dommages graves et durables à l’environnement (convention des Nations unies du 10/10/80 dite Convention des armes inhumaines).
En l’absence de décontamination immédiate et rigoureuse, les tirs d’UA peuvent contaminer durablement l’environnement et les personnes qui y vivent. C’est une hypothèque à long terme de la santé des populations civiles, d’autant plus insupportable que le prix le plus lourd sera payé par les enfants.


1. Les enfants sont les plus exposés
A contamination égale, le risque subi par les enfants sera nettement supérieur à celui d’un adulte : 4 fois plus élevé pour un nouveau-né.
Le tableau ci-dessous indique l’activité d’uranium 238 qui délivre à la personne qui l’a inhalée, la dose maximum tolérable sur 1 an, soit 1 mSv :

 Age
Adulte
15 ans
10 ans
5 ans
2 ans
1 an ou –
 Uranium insoluble
125 Bq
115 Bq
100 Bq
63 Bq
40 Bq
34 Bq
Uranium soluble
2 000 Bq
1 351 Bq
1 370 Bq
1 220 Bq
769 Bq
526 Bq

2. Un danger potentiel considérable.
Une seule balle de 30 mm contient 294 grammes d’uranium appauvri. Si l’on prend comme hypothèse que 10 % de la radioactivité est vaporisée sous forme inhalable au moment de l’impact (hypothèse plutôt basse) 370 000 Bq d’uranium 238 se trouvent sous forme de minuscules particules (de 1 à 10 microns). Cette radioactivité peut délivrer une dose supérieure à la limite maximale à ne pas dépasser sur 1 an à plus de 7 000 enfants ! Et cela pour une seule balle de 30 mm . Or, ce sont 940 000 munitions de ce calibre qui ont été tirées sur l’Irak, plus de 30 000 sur le Kosovo, plus de 10 000 sur la Bosnie… sans compter les obus de 105 et 120 mm. Il y a de quoi contaminer des milliards de personnes !
Bien sûr, et heureusement, il ne s’agit que d’un calcul théorique et par conséquent d’un danger potentiel : la réalité de la contamination dépend du nombre de personnes présentes lors du bombardement et les zones de combat sont peu fréquentées.
Mais cela permet de prendre conscience de la dangerosité et il ne faut pas oublier que l’uranium a une période radioactive de 4,5 milliards d’années (c’est le temps qu’il faut pour qu’il perde la moitié de sa radioactivité) ce qui signifie qu’en l’absence de décontamination rigoureuse des sites, la pollution à tout le temps d’être remise en suspension, inhalée, se déposer sur les cultures…

3. Des pollutions à très long terme

La radioactivité de l’UA ne disparaîtra pas avant des dizaines de milliards d’années. La décontamination des chars contaminés est une opération longue et délicate. Les Américains ont dépensé 4 millions de dollars pour agrandir une usine de traitement de déchets radioactifs afin de décontaminer 23 chars rapatriés de la guerre du Golfe (6 autres ont été enterrés en Arabie Saoudite) et les opérations de nettoyage ont duré 3 ans.

Pour être relativement efficace, la décontamination des zones bombardées doit s’effectuer le plus rapidement possible : plus on attend plus la dispersion des particules radioactives par le vent et la pluie augmente. De plus, en l’absence d’information des populations civiles, les risques de récupération des objets en UA sont importants : des enfants irakiens ont ainsi ramassé des balles à l’UA pour jouer avec ; des récupérateurs de métaux peuvent aussi être intéressés car il s’agit d’une matière dense et facile à usiner.

Le plus souvent, les projectiles qui ont manqué leur cible n’explosent pas. Ils s’enfoncent dans la terre. On peut les retrouver longtemps après, des dizaines, des centaines, des milliers d’années plus tard alors qu’on aura perdu toute mémoire de l’origine et de la nature de la pollution.

Plus les fragments sont de petite taille et dispersés, plus la récupération est délicate. Dans le sable, les munitions s’enfoncent et peuvent réapparaître 10 ans, 100 ans, 1000 ans plus tard. Qui saura alors de quoi il s’agit ?
La dispersion des poussières radioactives permet la diminution des concentrations (le risque diminue) mais entraîne en même temps l’exposition à faible dose d’un plus grand nombre de personnes. Dans ce cas, la décontamination devient impossible.

UA-Fiche-01/0112.doc-S12