Pollution thermique des centrales nucléaires 3/5 Les canicules de 2003 et 2006 – des dérogations pour éviter le blackout

Centrale nucléaire de Saint-Alban

En 2003, une canicule d’ampleur inédite touche la France. La menace d’une rupture d’alimentation électrique plane, d’autant plus que 14 des 18 réacteurs nucléaires situés en bord de mer sont arrêtés pour
maintenance. L’État est contraint de publier en urgence, le 14 août, un arrêté permettant aux centrales thermiques « effectuant des rejets d’eau dans les bassins fluviaux de la Garonne, du Rhône, de la Seine et de la Moselle » de continuer exceptionnellement à fonctionner au-delà des limites. Le texte supprime temporairement toute référence à la température maximale en aval. Seul subsiste un échauffement maximal.
Un nouvel arrêté doit être pris lors de la canicule de 2006, le 22 juillet (pour les mêmes cours d’eau qu’en 2003 ainsi que la Meuse).

Après ces épisodes, inédits jusqu’alors mais appelés à se renouveler compte tenu du réchauffement climatique, l’État pérennise l’allègement provisoire des contraintes en introduisant la notion de « condition climatique exceptionnelle ». Sont concernées les centrales du Rhône, de la Seine, de la Garonne et de la Moselle. De nouveaux textes réglementaires distinguent les autorisations valables en « conditions
climatiques normales » (CCN), et celles s’appliquant en « conditions climatiques exceptionnelles » (CCE), pour lesquelles EDF n’a plus besoin d’attendre la parution d’un texte spécifique : une justification du besoin par RTE, gestionnaire du réseau d’électricité, suffit. EDF doit simplement informer l’ASN, la préfecture et la DREAL de la possibilité de dépassement. Pendant la période de CCE, l’exploitant doit renforcer les contrôles sur les rejets liquides et dans l’environnement, et transmettre les résultats aux organismes précités ainsi qu’à la Commission Locale d’Information (CLI) du site.

La canicule de 2022 et les « situations exceptionnelles »

L’été 2022 est le plus chaud mesuré derrière celui de 2003. Il comporte 3 épisodes caniculaires, combinés à un déficit historique de pluies.
La quantité de réacteurs à l’arrêt (soit pour maintenance, soit du fait des problèmes de corrosion sous contrainte) est encore plus élevée qu’en 2003. Avec 18,1 TWh, la production mensuelle atteint un plus bas historique depuis 30 ans.

Le régime de CCE ne suffisant pas à éviter une rupture d’alimentation électrique, il est nécessaire d’enclencher un dispositif dérogatoire applicable en cas de « situation exceptionnelle » (SE), rendu possible par l’article R593-40 du Code de l’environnement. Pour cela, EDF doit faire une demande
justifiée, appuyée par le Ministère de la Transition énergétique qui confirme la nécessité publique du maintien en fonctionnement des centrales nucléaires. L’ASN publie alors une décision « fixant, de manière temporaire, de nouvelles limites de rejets thermiques ». Entre le 13 juillet et le 11 septembre 2022, ce
processus a dû être mis en œuvre à plusieurs reprises, d’abord pour Blayais, Saint-Alban et Golfech, puis Bugey à partir du 15 juillet et Tricastin à partir du 4 août.

Au total, le régime de SE a été appliqué pendant 24 jours (9 jours au Tricastin, 8 jours à Bugey, 6 jours à Golfech, 1 jour à Saint-Alban). Ce régime n’a finalement pas été utilisé pour le Blayais. Pour Golfech, les limites moins contraignantes associées aux CCE (prévues par les textes réglementaires habituels) ont également été appliquées, pendant 9 jours.

Rédaction : Julien Syren