Pollution thermique des centrales nucléaires 2/5 La réglementation en situation normale

Centrale nucléaire du Tricastin

Le principe d’un réacteur électronucléaire consiste à produire de l’énergie thermique (en chauffant de l’eau grâce à l’énergie de fission), puis à la convertir en énergie électrique. Le rendement de conversion étant seulement de 30 à 35%, 65 à 70% de la chaleur produite doivent être évacuées : on parle de « rejets thermiques ».
Dans le cas des centrales nucléaires qui disposent d’un circuit de refroidissement « ouvert », les rejets thermiques sont entièrement effectués par voie liquide, dans des cours d’eau ou en milieu marin. Dans le cas des centrales nucléaires en circuit dit « fermé », les rejets thermiques sont principalement effectués dans l’atmosphère, par le biais de tours aéroréfrigérantes, et de manière secondaire (quelques pourcents) par voie liquide. Dans tous les cas, seuls les rejets thermiques liquides sont réglementés.

Les rejets thermiques liquides sont encadrés : l’échauffement du milieu (pour toutes les centrales) et la température en aval (pour la plupart d’entre elles) ne doivent pas dépasser des valeurs fixées réglementairement. Ces valeurs sont propres à chaque centrale : elles dépendent de la puissance et du nombre de réacteurs, du type de circuit (ouvert ou fermé), des caractéristiques du milieu récepteur (mer, cours d’eau).

Échauffement

L’encadrement de l’échauffement concerne toutes les centrales nucléaires. Il est défini comme l’écart de température des eaux entre l’amont et l’aval de la centrale.

L’échauffement autorisé est plus élevé pour les centrales de bord de mer ou d’estuaire (de 11 à 15°C) que pour celles de cours d’eau douce (de 0 à 7°C). Mais les conditions d’évaluation de l’échauffement sont plus contraignantes pour les centrales maritimes, puisque le point aval utilisé pour le calcul correspond au point de rejet proprement dit, alors que pour les centrales de fleuve ou rivière, ce point est généralement défini comme le point « aval après mélange des effluents » dans le cours d’eau.
Pour les centrales de cours d’eau, l’échauffement de la zone située entre le point de rejet et l’aval après mélange peut donc être nettement supérieur à la limite réglementaire. Par exemple pour Tricastin, le 5 juillet 2017, 9°C au point de rejet et plus de 6°C sur 800 mètres1 alors que l’échauffement maximal autorisé est de 4°C, mais à l’aval après mélange (6°C si le débit du canal est trop faible).
Pour les centrales en circuit fermé, les rejets thermiques liquides sont beaucoup moins importants que pour les centrales en circuit ouvert, et les autorisations d’échauffement plus contraignantes : généralement 1 à 3°C, contre 3 à 6°C pour les centrales fluviales en circuit ouvert, toutes sur le Rhône. Seule exception : Bugey (5°C en période chaude et 7°C en période froide), qui comporte 2 réacteurs en circuit fermé et 2 réacteurs en circuit ouvert, et qui rejette l’eau dans un Rhône plus froid de plus d’un degré en moyenne qu’à Saint-Alban et au Tricastin2.

Température aval

Le second critère correspond à la température en aval des centrales, qui ne doit pas dépasser une certaine valeur en un certain point.
Pour les centrales de cours d’eau, il s’agit du même point que pour l’évaluation de l’échauffement (aval après mélange des effluents), excepté Cattenom (point de rejet). Cette obligation ne concerne pas les centrales en bord de Loire (mais l’échauffement autorisé est plus limité).
Pour les centrales en bord de mer ou d’estuaire, ce point se situe à 50 mètres du point de rejet, excepté à Gravelines (point situé à plus de 3 km de l’embouchure du canal de rejet). Ces centrales comportent également une limite de température maximale au point de rejet.

Différences saisonnières

Graphique  : 
Centrale nucléaire de Saint-Alban
Rejets thermiques - Bilans mensuels (année 2020)

Pour 8 centrales, certaines limites sont différenciées en fonction des périodes de l’année. Il s’agit des centrales maritimes ou d’estuaire, ainsi que Bugey, Saint-Alban et Golfech.
Pour 6 centrales de cours d’eau (toutes les centrales de la Loire, Nogent-sur-Seine et Tricastin), une limite d’échauffement moins contraignante entre en vigueur lorsque le débit du cours d’eau récepteur est trop faible.
Pour les 3 centrales situées sur les plus petits cours d’eau (Chooz, Cattenom et Civaux), les limites diffèrent en fonction de la température amont.
Enfin pour Cruas, un seul jeu de limites est valable pour l’ensemble de l’année.

Le contrôle du respect des limites des rejets thermiques est dans certains cas effectué par la mesure (par exemple à Nogent, Gravelines, Paluel, Blayais). Dans de nombreux cas, il est basé sur une évaluation, à partir d’une formule propre à chaque site. Par exemple pour Saint-Alban et Bugey, la différence de température est estimée à partir du ratio entre puissance thermique de la centrale et débit du Rhône en aval (multiplié par la chaleur massique de l’eau).

En conditions climatiques habituelles, ces limites doivent être respectées : si nécessaire, l’exploitant doit réduire la puissance des réacteurs voire les arrêter.

Par exemple à Saint-Alban en août-septembre 2020, EDF a été contrainte à 22 reprises d’abaisser pendant plusieurs heures de plus de 1 200 à moins de 300 MWe la puissance du réacteur n°2, d’où une perte de production de 207 GWh3
(soit 160 heures de fonctionnement à pleine puissance du réacteur. Sans ces mesures, les limites auraient probablement été dépassées : la différence de température maximale a été de 2,97°C (pour une limite de 3°C) et la température aval maximale a été de 27,3°C (pour une limite de 28°C).

Rédaction : Julien Syren


1 EDF, « Centrales nucléaires et environnement », édition 2020, p. 196.

2 Températures moyennes du Rhône entre 1980 et 2000 : 11,9°C au Bugey, 13,4°C à Saint-Alban, 13,1°C à Tricastin (entre Saint-Alban et Tricastin, le refroidisse- ment est causé par les apports de l’Isère). Source : EDF, « Étude thermique Rhône » https://vu.fr/jKFo

3 Sources : www.rte-france.com et www.entsoe.eu