Pollution thermique des centrales nucléaires 1/5 De quoi parle-t-on ?

En une heure, la centrale de Saint-Alban, en circuit ouvert, produit 2 600 MWh d’électricité et en rejette 5 200 dans le Rhône ©CRIIRAD 2007

Pour fonctionner, les centrales nucléaires ont besoin d’une quantité massive d’eau, qu’elle soit prélevée en mer ou dans les cours d’eau, comme nous l’avons vu dans le Trait d’Union n°95.
Dans le cœur du réacteur, la fission de l’uranium 2351 produit, entre autres, de la chaleur à profusion qui est transmise à l’eau avant d’être transformée en vapeur pour faire tourner les turbines qui produisent de l’électricité. On dit de cette eau, qu’elle est le liquide caloporteur (qui transporte la chaleur).

De l’eau, il en faut encore bien plus dans le circuit de refroidissement pour évacuer le trop-plein de chaleur qui n’a pas été transformé en électricité. La chaleur produite est appelée « énergie primaire » et l’électricité produite « énergie secondaire ».
Les centrales nucléaires actuelles sont parmi les centrales thermiques qui ont le plus mauvais rendement (de transformation de la chaleur en électricité) : il est d’environ 33%, ce qui veut dire qu’il faut trois unités d’énergie primaire pour produire une unité d’énergie secondaire. Dans le bilan, l’énergie résiduelle (part de l’énergie primaire qui n’est pas convertie en électricité) représente le double de l’énergie produite.

Pour un réacteur de 900 MWe (mégawatts électriques) de puissance installée (énergie secondaire), il a fallu produire un peu plus de 2 700 MWth (mégawatts thermiques) d’énergie primaire. L’énergie primaire résiduelle représente donc : 2 700 MWth – 900 MWe = 1 800 MWth.
Prenons l’exemple de l’année 2019. Le parc actuel français compte alors 58 réacteurs représentant au total une capacité électrique brute de 65,9 GWe2. L’énergie primaire résiduelle représente le double de cette valeur, soit environ 132 GWth.
Si les réacteurs nucléaires fonctionnaient en permanence, à plein régime et toute l’année, l’énergie résiduelle serait de : 132 x 24x 365 = 1 156 320 GWhth (gigawattheures thermiques) soit plus de 1 100 TWhth (térawattheures thermiques).

En réalité, en 2019 le parc nucléaire français a fonctionné à 71%3 de sa capacité (du fait de différents types d’arrêts, prévus – comme pour le rechargement du combustible – ou non, ainsi que de périodes de fonctionnement à puissance réduite). L’énergie résiduelle émise pendant l’année a donc représenté environ 820 TWhth soit 820 mille milliards de wattheures thermiques.
Cette quantité gigantesque de chaleur est pour sa quasi totalité perdue dans l’environnement, soit directement dans les mers, fleuves et rivières dont elle réchauffe l’eau pour les circuits ouverts, soit dans l’atmosphère par les tours de refroidissement4 pour les circuits fermés.

Le nucléaire en fonctionnement n’a pas besoin de produire de CO2 pour participer au changement climatique. Il le fait directement en envoyant l’énergie primaire résiduelle dans l’environnement par l’intermédiaire de l’eau et de la vapeur. Cette quantité de chaleur rejetée représente plus du double de la consommation d’énergie finale pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire de la totalité des logements en France (350 TWh en 20195).

Rédacteur : Didier Glatigny

Lexique

Watt (W)
Unité internationale de puissance.
Quantifie un débit de production ou de consommation de l’énergie.
• Puissance électrique : We
• Puissance thermique : Wth

Watt heure (Wh)
Unité d’énergie.
Quantifie l’énergie produite ou consommée à une puissance donnée (en watts) sur une période donnée (en heures).
Exemple : un réacteur de 900 MW produit en une heure 900 MWh

Rendement énergétique
Rapport entre l’énergie secondaire produite (en MWhe
pour une centrale nucléaire) et l’énergie primaire nécessaire à cette production (en MWhth).
Les centrales nucléaires ont un rendement d’environ 33% (33 MWhe produits pour 100 MWhth consommés). L’ordre de grandeur
est le même pour les centrales thermiques à charbon (≈31%), et plus élevé pour celles à pétrole (≈38%) et à gaz (≈47%)6.

Facteur de charge
Rapport entre l’énergie produite pendant une période donnée et l’énergie qui aurait été produite si cette installation avait été exploitée pendant la même période, en continu, à sa puissance nominale.


1 Et des plutoniums 239 et 241

2 Et une puissance de référence, correspondant à ce qui peut être délivré au réseau, de 63,1 GWe. L’écart entre les deux correspond à la puissance utilisée pour le fonctionnement des centrales nucléaires proprement dites. Depuis la fermeture de la centrale de Fessenheim en 2020, le parc possède une capacité électrique brute de 64,0 GWe et une puissance de référence de 61,4 GWe. Source : AIEA (PRIS), https://vu.fr/fKtw

3 Ce taux, appelé facteur de charge (cf. lexique), a été de 75,4% sur l’ensemble de la période de fonctionnement, 71,0% en 2019, 68,8% en 2021. Il devrait être nettement inférieur en 2022, notamment du fait des arrêts de réacteurs affectés par les problèmes de corrosion sous contrainte). Source : AIEA (PRIS), https://vu.fr/yHnk

4 Et très secondairement dans les cours d’eau.

5 Source : Ministère de la Transition Ecologique, https://vu.fr/mUAi

6 Source : Ministère de la transition écologique, « Chiffres clés de l’énergie », édition 2020.