10 juin 2000 – Contrôles radiologiques Halte Garderie 12 rue Chomel, Paris VIIème

CONTRÔLES RADIOLOGIQUES – HALTE-GARDERIE
12, rue Chomel – PARIS VII ème, Sous-sol, rez-de-chaussée et premier étage uniquement

Etude effectuée sur les fonds propres de l’association à la demande de parents dont les enfants fréquentent la halte-garderie Chomel

Compte-rendu d’intervention Version définitive (10/06/2000) – n°2000 – 05/26

Mission su site : 22/23 mai 2000
Responsable de l’intervention : Christian Courbon
Responsable de l’étude : Corinne Castanier
 


Table des matières

 

1/ INTRODUCTION

 

1.1 Contexte de l’intervention crii-rad
1.2 Objectifs et limites

 

2/ RÉSULTATS DES CONTROLES

2.1 Quelques repères préalables

2.1.1 l’exposition externe
2.1.2 L’exposition interne (la contamination) :

2.2 Mesure de l’irradiation externe

2.2.1 Le bruit de fond naturel – normal
2.2.2 Les appareils de mesure et les unités
2.2.3 Résultats des mesures radiamétriques

2.3 Mesure de l’activité du radon 222

2.3.1 Généralités et références
2.3.2 Résultats des mesures
2.3.3 Commentaires des mesures de radon :

2.4 Analyse des poussières

 

 

3/ EVALUATION DES DOSES ET DU RISQUE

 

3.1 L’évaluation des doses

3.1.1 Les évaluations de l’OPRI
3.1.2 Vérifications des ordres de grandeur

3.2 Evaluation du risque

3.2.1 Les références de la directive EURATOM n°96/29

3.3 Recommandations

 

 

4/ RECHERCHE DES RESPONSABILITÉS

4.1 Repères chronologiques
4.2 Interrogations
4.3 Actualisation au 1er Juin 2000
4.4 Actualisation au 10 Juin 2000

 

1/ INTRODUCTION

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1.1 CONTEXTE DE L’INTERVENTION CRIIRAD

 

Le laboratoire de la CRII-RAD a été contacté, lundi 22 mai 2000, par plusieurs parents d’enfants qui fréquentent la halte garderie située 12, rue Chomel, à Paris, dans le VIIème arrondissement. Il est ressorti de ces conversations les éléments suivants :

L’office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) a procédé à des contrôles radiologiques dans le bâtiment le jeudi 18 mai.
Les parents ont appris le lendemain qu’au vu du résultat des mesures effectuées au premier étage, dans la salle des grands, décision avait été prise de fermer immédiatement la halte garderie (décision prise par la directrice sur demande de la direction générale de la santé DGS). Les doses induites par la contamination en radium 226 des locaux seraient de l’ordre de 1 mSv/an. Le risque est qualifié d’inexistant.
Une réunion d’information à destination des familles devait avoir lieu le jour même, à 18h, au ministère de la Santé.

Nos interlocuteurs nous ont fait part de leur inquiétude pour la santé de leurs enfants ainsi que de leur colère car ils avaient appris que le problème était ancien, qu’une expertise avait déjà été réalisée en 1998 par les services de l’État sans qu’aucune famille n’en soit informée et sans que le problème du premier étage ne soit détecté.
Plusieurs parents craignaient également que certaines informations ne soient dissimulées : l’établissement en charge des contrôles en cours était également responsable de la première expertise. Dans ces conditions, ils ne pouvaient exclure que d’éventuels éléments à charge puissent disparaître sans que personne n’en soit averti et sans qu’il soit ensuite possible d’établir les faits. Ils souhaitaient que notre association puisse effectuer des contrôles le plus rapidement possible avant que le site ne soit modifié.

Sur la base de ces entretiens, et des informations recueillies dans la presse et les inventaires annuels de l’ANDRA, la CRII-RAD a proposé aux familles qu’un technicien spécialisé dans les interventions sur site, Christian COURBON, les rejoigne le jour même à la réunion d’information organisée par la DGS. Les responsables de l’association qui gère la halte-garderie (et qui est propriétaire des locaux) seraient présents et les parents pourraient solliciter une autorisation d’accès pour notre laboratoire. En cas d’avis favorable, C. COURBON pourrait procéder dès le mardi à un certain nombre de contrôles à l’intérieur du bâtiment et le président de la CRII-RAD, Roland DESBORDES, pourrait présenter les premiers résultats aux parents le mardi soir et répondre à leurs questions.
Compte tenu de l’inquiétude des parents et des intérêts en jeux (droit à l’information, fiabilité des expertises officielles), la CRII-RAD a décidé de prendre en charge les coûts d’intervention sur ses fonds associatifs.

Le lundi 22 mai, à l’issue d’une réunion assez houleuse au ministère de la Santé, la CRII-RAD a été autorisée à effectuer des mesures dans la halte-garderie et a pu installer, le soir même, un appareil de mesure en continu des niveaux de radon. Il est important de souligner que le technicien a bénéficié, tout au long de son intervention, de la collaboration de la direction et du personnel et qu’il a pu avoir accès à toutes les salles qu’il souhaitait contrôler.

 

 

1.2 OBJECTIFS ET LIMITES

 

L’intervention du technicien étant strictement limitée dans le temps, il ne pouvait s’agir d’effectuer une expertise complète avec cartographie détaillée et bilan exhaustif de l’état radiologique du site.
L’objectif était de procéder à des mesures de dépistage dans l’ensemble des salles fréquentées par les enfants, de vérifier l’ordre de grandeur des expositions et de disposer d’éléments permettant de confirmer ou d’infirmer les contrôles officiels.
S’agissant d’un site contaminé par le radium, il importait notamment de vérifier si les évaluations de dose données par l’OPRI (de l’ordre de 1 mSv/an) tenaient bien compte de la contribution du radon 222, un gaz radioactif généré par la désintégration du radium 226. En effet, dans un dossier comparable (une maison de Gif-sur-Yvette construite sur des déchets radioactifs) l’OPRI a conclu à une dose de 1 mSv/an et à l’absence de danger sanitaire alors que la dose réelle était de l’ordre de 80 mSv/an et le risque totalement inacceptable. La différence s’expliquait par l’absence de prise en compte de la contribution du radon.

La rapidité de l’intervention a été privilégiée afin d’évaluer les niveaux de risque avant que les travaux ne commencent et que les conditions d’exposition au rayonnement ne soient modifiées. Concernant les possibilités d’altération des locaux entre le vendredi 19 mai et le lundi 22 mai, il faut préciser que le technicien n’a détecté aucun indice suggérant l’enlèvement de matériaux contaminés : pas de marques récentes sur les canalisations ; pas de découpage dans le lino, etc. Selon toute apparence, les locaux n’avaient pas été modifiés.

2/ RESULTATS DES CONTROLES

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2.1 QUELQUES REPERES PREALABLES

 

Lorsqu’on considère un site contaminé par des substances radioactives, on distingue deux types d’exposition à la radioactivité : l’exposition externe et l’exposition interne

  • 2.1.1 l’exposition externe
    Dans ce cas, la personne est exposée aux rayonnements émis par les substances radioactives présentes, mais il n’y a pas de contact entre les particules radioactives et le corps de la personne. L’exposition à ces rayonnements (1) dure aussi longtemps que la personne reste dans le champ du rayonnement (la dose reçue sera fonction du temps de présence). L’intensité de l’irradiation décroît rapidement lorsqu’on s’éloigne de la source radioactive ou lorsqu’on interpose un écran (mur de béton, plaque de plomb, etc). Lorsque l’on quitte la zone irradiante, l’exposition s’arrête. La personne qui s’est trouvé exposée au rayonnement n’est pas devenue radioactive. Elle ne porte aucun trace de radioactivité.
    Pour mesurer le flux de rayonnement émis par le sol, les murs, les objets on utilise des radiamètres. Les résultats de mesures sont obtenus en direct par l’opérateur. Selon les appareils utilisés, on obtient des informations différentes :

    – résultats en coups par seconde (c/s) pour le flux de rayonnement, lorsqu’il s’agit de déterminer l’intensité du flux de rayonnement : savoir si la situation est normale ou si le niveau de rayonnement est supérieur (et de combien) au niveau naturel (bruit de fond attendu du fait de l’omniprésence de la radioactivité) ;
    – résultats en microsivert par heure (µSv/h) pour le débit de dose, lorsqu’on veut évaluer l’impact sur la santé (qui va dépendre de la quantité d’énergie reçue par l’organisme et de la nature des rayonnements).

    (1) Ces rayonnements sont appelés rayonnements ionisants car ils ont la capacité d’ioniser la matière, c’est-à-dire d’arracher des électrons aux atomes et de créer ainsi des lésions au sein des cellules.

  • 2.1.2 L’exposition interne (la contamination) 
    Dans ce cas, les particules radioactives sont ingérées ou inhalées et se retrouvent à l’intérieur de l’organisme. Lorsque les particules radioactives se désintègrent, l’irradiation se produit au cur même des cellules. A la différence de l’exposition externe, le risque ne cesse pas lorsqu’on quitte la zone contaminée. L’irradiation perdure aussi longtemps que les produits radioactifs restent fixés par l’organisme. L’élimination s’effectue plus ou moins rapidement selon la nature des éléments radioactifs : le radium 226 se fixe préférentiellement sur les os et s’élimine très lentement.
    Schématiquement, dans le cas de la halte-garderie, on peut distinguer a priori trois voies d’exposition potentielle : ingestion involontaire, inhalation de poussières, inhalation de radon.
    Si les surfaces des locaux sont contaminées, les radionucléides présents peuvent facilement être transférées à l’organisme :
    – par ingestion involontaire de microparticules contaminées provenant des sols, des murs qui se fixent sur les doigts ou sous les ongles des enfants et qui peuvent être ingérées involontairement lorsqu’ils portent leur doigt à leur bouche.
    – par inhalation de poussières radioactives remises en suspension à partir du sol ou de murs ;
    Du fait de sa forme gazeuse, le radon a une très forte mobilité. Dans le cas où les déchets radioactifs (ou les matériaux contaminés) sont immobilisés sous un revêtement ou sous une dalle de béton, les particules radioactives sous forme solide ne peuvent être transférées aux occupants des locaux. Mais ce n’est pas le cas du radon un gaz radioactif généré par la désintégration du radium 226. Du fait de sa forme gazeuse, le radon a une très forte mobilité : il peut diffuser à partir du sol, s’infiltrer par les micro-fissures, les défauts d’étanchéité des joints, les passages de canalisations et contaminer l’air ambiant. L’inhalation du radon peut représenter l’essentiel de la dose lorsque la contamination provient de déchets radifères enfouis.Pour évaluer le surcroît d’exposition induit par la présence de déchets radioactifs dans le bâtiment, il donc faut prendre en compte les deux types d’exposition, externe et interne, et l’ensemble des voies d’exposition.Pour présenter un résultat fiable et définitif, l’expertise doit être complète. Ce n’est pas le cas de cette étude : outre les relevés radiamétriques, le technicien a procédé à des mesures en dynamique des niveaux de radon  en 4 pièces différentes, du lundi 22 mai – 23h00 au mardi 23 mai – 18h00. Il a également prélevé le sac de l’aspirateur utilisé pour la halte-garderie pour analyse ultérieure en laboratoire. Faute de temps, il n’a pu réaliser les frottis ni les prélèvements d’eau que souhaitaient les parents.

 

 

2.2 MESURE DE L’IRRADIATION EXTERNE

 

    • 2.2.1 Le bruit de fond naturel – normal
      L’écorce terrestre contient naturellement un certain nombre de radionucléides dits primordiaux dont les principaux sont l’uranium 238, le thorium 232, et le potassium 40. Les deux premiers sont à l’origine de toute une série de produits radioactifs.
      Parmi les descendants de l’uranium 238, on trouve le radium 226 qui, en désintégrant, donne naissance au radon 222, le seul élément gazeux de la chaîne.
      La présence de ces produits radioactifs dans le sol et les matériaux de construction est à l’origine d’un certain niveau de rayonnement : le bruit de fond normal. Le niveau naturel du flux de rayonnement gamma en région parisienne peut varier en fonction de la nature géologique des terrains en place mais, en l’absence de contaminations liées à des activités industrielles, il est typiquement de l’ordre de 50 à 100 c/s (valeurs DG5).Dans le présent rapport, nous avons considéré que les valeurs inférieures à 100 c/s correspondent au bruit de fond naturel (noté BdF ci-après).Le débit d’équivalent de dose normal lié à l’irradiation tellurique et cosmique (hors pollution radioactive) est de l’ordre de 0,1 µSv/h.
    • 2.2.2 Les appareils de mesure et les unités
      Les mesures de flux de rayonnement gamma ont été réalisées au moyen d’un DG5 de marque NOVELEC. Les résultats sont exprimés en coups par seconde (c/s).
      Compte tenu des délais, l’objectif n’était pas de réaliser une cartographie très fine du bâtiment mais d’apprécier si la situation des différentes pièces était normale (ou posait problème) et de localiser les éventuels points chauds (emplacements où le niveau d’irradiation externe est 10 fois supérieur au niveau normal).
      Les mesures de flux de rayonnement (exprimées en coups par seconde) ont été complétées en certains endroits par des mesures de débit de dose (qui permettent d’apprécier l’impact sanitaire du rayonnement et de comparer les résultats aux limites réglementaires. Les valeurs de débit de dose sont exprimées en microsievert par heure (µSv/h).
      Les mesures du débit de dose ont été effectuées au moyen d’un compteur proportionnel compensé en énergie équipé d’une sonde de type LB123, de marque Berthold. Cet appareil a une gamme de mesure de 0,01 µSv/h à 10 mSv/h, et une réponse en énergie de +/- 30 % sur la gamme d’énergie 30 keV à 2 MeV pour les rayonnements gamma. L’appareil est étalonné chaque année par le CEA de Grenoble.
    • 2.2.3 Résultats des mesures radiamétriques
      Nous avons reporté sur les plans présentés en annexe (2), les résultats des mesures du flux de rayonnement gamma (mesures au DG5, résultats exprimés en c/s), et les mesures de débit de dose (mesures au LB123, résultats exprimés µSv/h).

      Nota bene : il s’agit du résultat d’un balayage assez systématique mais limité dans le temps qui ne peut garantir que tous les points chauds ont été identifiés. Certaines pièces étaient encombrées, surtout au sous-sol , et il n’a pas été possible de déplacer les meubles pour réaliser un contrôle exhaustif.

(2) Disponibles sur demande à la CRIIRAD (12 F en timbres).

 

  • 2.2.3.1 Le sous-sol
    Situation normale (valeurs conformes au BdF attendu) :

    – dans le couloir central (dégagement) : le flux de rayonnement varie de 80 à 100 c/s.
    Un point légèrement plus élevé (130 c/s) et très localisé a été repéré à l’extrémité du couloir ;
    – dans la chaufferie-buanderie : de 70 à 110 c/s ;
    – dans la cave n°2 : de 60 à 80 c/s.

    Flux de rayonnement légèrement supérieur à la normale :

    – dans la cave n°3 : 80 à 270 c/s ;
    – dans la cave n°5 : 70 à 350 c/s ;
    – et surtout dans la cave n°4 : 100 à 400 c/s, avec un point chaud à 1 600 c/s. Le débit de dose associé est de 1,3 µSv/h.

    Irradiation liée à la présence de canalisations contaminées :

    – dans le local (accessible) qui jouxte le local ascenseur ;
    – dans la galerie technique (notée galerie d’égout sur le plan) à laquelle on accède par une porte en bois fermée à clef.

    Le collecteur principal est représenté en bleu sur le plan. Un flux de rayonnement anormalement élevé (de 200 à 600 c/s) est mesuré tout le long de la canalisation.
    Cinq tuyaux provenant des niveaux supérieurs viennent se raccorder sur le collecteur horizontal. Ils sont figurés par un cercle sur le plan. Au niveau de ces canalisations verticales (et des siphons dont certaines sont équipées), les résultats sont très variables :

    – deux canalisations situées dans la galerie technique génèrent un flux de rayonnement presque normal (110 et 160 c/s) ;
    – les trois autres sont nettement plus irradiantes : 870 c/s pour la descente de canalisation située dans la partie accessible ; 1 200 et jusqu’à 10 000 c/s dans la galerie technique. Le débit de dose associée à cette dernière valeur est de 19,6 µSv/h.

    Il serait utile de disposer des plans du réseau de récupération des eaux usées et d’analyser ces résultats en fonction du passé du site : les canalisations les plus irradiantes doivent certainement être reliées aux étages et aux pièces où le radium était manipulé au début du siècle.

Nota bene : la cave n°1 et le réduit attenant n’ont pas été contrôlés.

  • 2.2.3.2 Le rez-de-chaussée
    Situation pratiquement normale :

    – dans la remise où sont garées les poussettes : de 60 à 100 c/s ;
    – dans le dépôt d’ordures : de 80 à 140 c/s ;
    – dans le square des missions étrangères : 50 à 90 c/s

     

    Situation quasi-normale à l’exception d’un point chaud :

    – dans la cour : de 70 à 120 c/s, à l’exception d’un point chaud très localisé (940 c/s) à l’entrée du passage cocher ;
    – dans la salle de jeux extérieure : de 80 à 120 c/s, avec un point chaud très localisé à 840 c/s ;
    – dans la salle de jeux des petits : de 80 à 120 c/s, à l’exception d’un point chaud localisé situé au niveau de la porte de communication avec le dortoir des petits : 1 335 c/s. Le débit de dose associé est de 1,3 µSv/h au contact et de 0,3 µSv/h à 30 cm.

    Rayonnement légèrement supérieur à la normale :

    – dans les réserves et le réfectoire le rayonnement serait de l’ordre de 100 à 300 c/s. Le contrôle a été effectué très rapidement le lundi soir. On détecte dans le réfectoire l’influence d’un rayonnement en provenance du plafond. Des vérifications complémentaires sont nécessaires étant donné que cette pièce se situe au droit de la salle des grands du premier étage.

    Nota bene : la loge du concierge n’a pas été contrôlée.

 

  • 2.2.3.3 Le premier étageLes zones à flux de rayonnement normal :

    – la salle qui accueille les ” moyens ” : 70 à 100 c/s ;
    – la salle qui prolonge la cuisine réservée au personnel ;
    – la zone A de la salle qui accueille les ” grands ” : 60 à 100 c/s.

    Les zones où le flux de rayonnement est augmenté par la présence d’une pollution radioactive :

    – l’entrée qui dessert le vestiaire, les sanitaires et les salles des moyens et des grands : 400 à 900 c/s ( 4 à 9 fois le BdF) ;
    – le vestiaire du personnel : de 300 à 1050 c/s ( 3 à 10 fois le BdF) ;
    – les sanitaires : impact très faible (doublement du bruit de fond) : 150 à 230 c/s ;
    – la cuisine du personnel : de 100 à 250 c/s avec un point chaud à 1 300 c/s ;
    – la zone B de la salle qui accueille les ” grands ” : 100 à 2 800 c/s, avec une moyenne de 500 c/s environ. Des mesures de débits de dose ont été réalisées au niveau du point le plus irradiant (noté n°1 sur la carte) et au niveau d’une valeur moyenne (n°2). Deux mesures ont été réalisées : au contact du sol et à 30 cm. Les valeurs sont les suivantes :

 

 Au contact  A 30 cm
 N°1  5 µSv/h  0,6 µSv/h
 N°2  0,48 µSv/h  0,43 µSv/h

2.3 MESURE DE L’ACTIVITÉ DU RADON 222>

    • 2.3.1 Généralités et référencesEn se désintégrant, le radium 226 présent dans le sol (et les matériaux de construction) donne naissance à un gaz radioactif naturel, le radon 222, qui du fait de sa forme gazeuse, émane en permanence des sols. Le radium étant omniprésent dans les sols et les matériaux de construction, il est normal de mesurer un certain taux de radon dans n’importe quel bâtiment.
      Les concentrations de radon 222 dans l’air sont exprimées en becquerels par mètre cube d’air (Bq/m3).
      L’IPSN a publié une cartographie des niveaux de radon dans les habitations. Sur la base de près de 11 000 mesures réalisées au moyen de films Kodalpha, l’IPSN évalue la concentration moyenne nationale à 82 Bq/m3. En région parisienne, compte tenu de la nature du sous-sol (généralement pauvre en radium 226), les activités en radon 222 dans l’habitat sont inférieures à la moyenne nationale : les concentrations moyennes sont comprises entre 20 et 50 Bq/m3.
    • 2.3.2 Résultats des mesuresAu sein d’un même habitat, l’activité du radon 222 varie dans le temps, au cours d’une même journée, selon des variations saisonnières, en fonction des conditions météorologiques, des conditions de chauffage et d’aération. Afin d’obtenir une évaluation fiable du niveau de radon, il est donc nécessaire de recourir à des méthodes permettant une mesure intégrée sur plusieurs mois. On utilise pour ce faire des détecteurs solides de traces nucléaires (DSTN).
      Compte tenu du contexte de l’intervention ­ qui ne permettait pas des mesures intégrées, nous avons choisi d’utiliser un moniteur Alphaguard de marque Génitron qui donne une mesure en continu du niveau de radon. L’appareil a été utilisé du lundi 22 mai 23h30 au mardi 23 mai 18h00 pour contrôler successivement le 1er étage, le rez-de-chaussée et le sous-sol. Une durée aussi réduite ne permet pas d’obtenir des mesures représentatives mais ce type de contrôle peut permettre de vérifier s’il existe ou non un problème manifeste de radon dans le bâtiment.

      Note : les 2 premières mesures de chaque pièce (soit 20 mn) ont été supprimées afin de tenir compte du temps de réponse de l’appareil.

    • 2.3.2.1 Premier étage : salle des grands
      L’appareil a été mis en marche par le technicien de la CRII-RAD, le lundi soir à 23h30, dans la salle des grands, au premier étage, au-dessus du point le plus irradiant, puis a été transféré au rez-de-chaussée le mardi matin à 9h40.

      Valeur minimale : 4 Bq/m3
      Valeur maximale : 66 Bq/m3
      Moyenne : 29 Bq/m3

      L’étude de la courbe présentant l’évolution de l’activité du radon 222 en fonction du temps ne révèle aucune anomalie permettant de conclure à une modification des conditions de mesure au cours de la nuit (pas d’ouverture des fenêtres, ni de transport du matériel).

 

    • 2.3.2.2 Rez-de-chaussée : dortoir et salle de jeux des petits
      Les enregistrements effectués de 10h00 à 13h00 dans le dortoir, à proximité du point chaud radiamétrique ont donné les résultats suivants :

      Valeur minimale : 11 Bq/m3
      Valeur maximale : 28 Bq/m3
      Moyenne : 20 Bq/m3.

      Les enregistrements effectués de 13h00 à 15h40 dans la salle de jeux attenante ont donné les résultats suivants :

      Valeur minimale : 4 Bq/m3
      Valeur maximale : 35 Bq/m3
      Moyenne : 17 Bq/m3.

 

    • 2.3.2.3 Sous-sol : galerie technique
      L’aphaguard a été installé au sous-sol, dans la galerie technique à 15h40 et arrêté à 18h00. Les résultats obtenus sur une période de 2 heures sont les suivants :

      Valeur minimale : 39 Bq/m3
      Valeur maximale : 193 Bq/m3
      Moyenne : 102 Bq/m3.

 

  • 2.3.3 Commentaires des mesures de radon :


    Remarque préalable
     : ces résultats sont très satisfaisants, mais il est nécessaire de les confirmer sur de plus longues périodes (et notamment en situation défavorable : pièces confinées et chauffage en fonctionnement). Par ailleurs, faute de temps, aucune mesure de radon n’a pu être effectuée dans les salles équipées de canalisations d’eau (toilettes, cuisine).

    Les concentrations mesurées au rez-de-chaussée et au premier étage sont très basses, tout à fait conformes aux niveaux naturels attendus dans une habitation de la région parisienne.
    Les concentrations mesurées au sous-sol sont de l’ordre de 5 fois supérieures à celles mesurées au rez-de-chaussée.
    Il est cependant difficile de déterminer quelle est la part du radon provenant du radium naturellement présent dans le sous-sol (et les murs) et celle du radon émis par le radium présent dans les canalisations. Des concentrations moyennes de 100 Bq/m3 sont en effet couramment mesurées dans des sous-sols, y compris dans des régions à faible potentiel radon.
    Le faible niveau de radon mesuré dans les salles peut s’expliquer par la présence d’un revêtement de sol suffisamment étanche pour limiter la pénétration du radon. C’est le cas de la salle des grands où un linoléum a été mis en place (d’après nos informations en 1993).
    Ceci ne suffit peut-être pas à expliquer le faible niveau de radon étant donné les capacités de diffusion du radon.
    – Soit la quantité de radium 226 qui est à l’origine des émanations de radon reste relativement limitée. De façon générale, le niveau de contamination du bâtiment paraît en effet très inférieur à celui constaté dans des bâtiments où l’on a procédé à l’extraction du radium. Le 12, rue Chomel  n’a abrité que des activités de manipulation de source de radium en aval de l’extraction elle-même. Des incidents de manipulation ont certainement conduit à la contamination ponctuelle des sols et les rejets d’effluents liquides à la contamination des canalisations d’évacuation des eaux usées. Il n’y a pas de contamination généralisée ou associée à des dépôts de déchets radioactifs.
    – Soit d’autres produits radioactifs que le radium 226 sont à l’origine de l’irradiation. Le radium 226 est le seul radionucléide identifié à partir des recherches historiques. Cependant, en l’état des informations disponibles, on ne peut totalement exclure qu’un autre radionucléide soit responsable de l’irradiation mesurée au premier étage. Cette explication nous paraît moins probable que la précédente. Une réponse définitive sera apportée par les analyses qui seront effectuées après retrait du revêtement de sol.

 

2.4 ANALYSE DES POUSSIERES

 

Un premier comptage a été réalisé sur la totalité du prélèvement : sac aspirateur et contenu global. Cette analyse préliminaire a indiqué la présence des descendants à vie courte du radium 226 (plomb 214, bismuth 214) et celle du plomb 210.
Une seconde analyse a été effectuée sur les seules poussières (soit 41 grammes) après enlèvement du contenant et des débris (type trombones, plastique) et tamisage à 1 mm.

Radionucléides de la chaîne de l’uranium 238
Radium 226 : < 73 Bq/kg
Plomb 214 : 60 Bq/kg (+/-16)
Bismuth 214 : 60 Bq/kg (+/-16)
Plomb 210 : 137 Bq/kg (+/-55)

Radionucléides de la chaîne du thorium 232
Plomb 212 : 15 Bq/kg (+/- 7)
Thallium 208 : 10 Bq/kg (+/-5)
Béryllium 7 : 183 Bq/kg (+/-48)

Radionucléides artificiels :
Aucun radionucléide artificiel n’a été détecté : césium 137 : < 3 Bq/kg

Une seconde analyse devra être effectuée après un délai de 3 semaines afin d’obtenir une évaluation précise du niveau de radium 226 sur ses descendants à l’équilibre. Un comptage plus long devrait permettre une meilleure précision sur l’ensemble des radionucléides et notamment sur le thorium 234.
Ces valeurs sont proches des niveaux attendus dans un sol de la région. Si l’on ne peut exclure, sur la base de ces résultats, un léger surcroît de radium 226 lié à la contamination du site, il serait très faible, en limite des capacités de détection.

 

3/ EVALUATION DES DOSES ET DU RISQUE

 

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3.1 L’ÉVALUATION DES DOSES

 

  • 3.1.1 Les évaluations de l’OPRI
    Dans les transparents projetés lors de la réunion du 22 mai 2000, l’OPRI a donné les évaluations de dose suivantes :
    – pour les enfants (scénario 1)  : 0,39 mSv/an (bruit de fond déduit)
    sur la base de 15h/semaine, 48 semaines/an et 0,6 µSv/h, soit 0,43 mSv, en valeur brute.
    – pour les enfants (scénario 2)  : 0,54 mSv/an
    sur la base de 21h/semaine, 48 semaines/an et 0,6 µSv/h, soit 0,43 mSv.
    – pour les adultes  : 1,01 mSv/an
    sur la base de 39h/semaine, 48 semaines/an et 0,6 µSv/h = 1,12 mSv.
  • 3.1.2 Vérifications des ordres de grandeur
    La CRII-RAD ne peut donner des évaluations de dose définitives étant donné les limites de son intervention. Il est cependant possible de fournir quelques éléments d’appréciation de l’exposition externe ajoutée en prenant en référence les valeurs relevées dans la salle des grands.

    Les temps de présence : la halte-garderie est ouverte du lundi au vendredi de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 18h00. Elle est fermée 3 semaines en août. D’après les informations transmises par la direction, les enfants peuvent être présents 5 demi-journées par semaine (soit un maximum de 20 h, ou légèrement plus dans le cas de 2 repas pris sur place). Les temps de présence effectifs sont, pour la plupart des enfants, sensiblement inférieurs.
    Deux valeurs de débit de dose ajouté ont été retenues pour les calculs : 0,3 µSv/h pour l’exposition moyenne dans la salle des grands (valeur moyenne calculée sur l’ensemble de la pièce, incluant le 1/3 non irradiant) ; 4,6 µSv/h pour l’exposition à l’emplacement le plus irradiant. Deux hypothèses ont été retenues : une hypothèse moyenne dans laquelle 5% du temps (soit 1h sur 20h) sont passés au niveau du point chaud ; une hypothèse plus pénalisante selon laquelle le point chaud est situé dans la zone de jeu privilégiée d’un enfant (20% du temps, soit 4h sur 20h). Le bruit de fond naturel (0,1 µSv/h) a été préalablement déduit. A titre conservatoire, les valeurs retenues correspondent aux mesures effectuées au contact du sol. Au niveau du siège des chaises (30 cm), la différence est faible pour les valeurs moyennes, mais importante (facteur 9) au niveau du point chaud.

     

    Les exemples présentés page suivante sont basés, pour les enfants du groupe des ” grands “, sur des temps de présence hebdomadaires (de 4h à 20h) et annuels (20, 40 et 48 semaines) variables afin d’apprécier les fourchettes d’exposition (minima et maxima) et de permettre à chacun d’évaluer sa situation.

      Temps de présence en h/an (pour 0,3 µSv/h en moyenne)
     Dose associée
     Incluant 5% du temps sur le point chaud (4,6 µSv/h)
     Dose totale en µSv par an
     Enfants
     20 semaines
     Enfants 4h/sem.
      4h x 20 sem/an = 80h
     24 µSv
     8h x 4,6 = 37 µSv
     61 µSv
     Enfants 20h/sem
     20h x 20 sem/an = 400h
     120 µSv
     20h x 4,6 = 92 µSv
     212 µSv
     Enfants
     40 semaines
     Enfants 4h/sem.
     4h x 40 sem/an = 160h
     48 µSv
     8h x 4,6 = 37 µSv
     85 µSv
     Enfants 8h/sem.
     8h x 40 sem/an = 320h
     96 µSv
     16h x 4,6 = 74 µSv
     170 µSv
     Enfants 16h/sem
     16h x 40 sem/an = 640h
     192 µSv
     1h/s x 40 s = 147 µSv
     339 µSv
     Enfants 20h/sem
     20h x 40 sem/an = 800h
     240 µSv
     40h x 4,6 = 184 µSv
     424 µSv
     Adultes
     Personnel 35h/s
     35h x 40 sem/an = 1400h
     420 µSv
     70h x 4,6 = 322 µSv
     742 µSv
     Personnel 39h/s
     39h x 47 sem/an = 1833h
     550 µSv
     92 h x 4,6 = 422 µSv
     972 µSv
     Enfants  48 semaines
     Incluant 20% du temps sur le point chaud (4,6 µSv/h)
     Enfants 8h/sem
     8h x 48 sem/an = 384h
     115 µSv
     77h/s x 4,6 = 353 µSv
     468 µSv
     Enfants 20h/sem
     20h x 48 sem/an = 960h
     288 µSv
     192h x 4,6 = 883 µSv
     1171 µSv

     

    Les ordres de grandeurs déduits de ces différents scénarios sont cohérents avec ceux donnés par l’OPRI.

    Ces évaluations devraient être précisées après discussion avec le personnel et les parents afin de s’assurer qu’aucun scénario pénalisant n’a été oublié (enfant du personnel pouvant séjourner plus de 20h/semaine par exemple).

    Ces évaluations appellent les commentaires suivants :
    1. Quel que soit le scénario retenu, il est manifeste que les doses induites par la pollution du site sont nettement supérieures à 0,01 mSv/an (soit 10 µSv/an).
    2. Concernant les enfants, on peut considérer qu’il est peu probable que les expositions aient dépassé 1 mSv/an (du moins dans la période 1994-2000 et sur la base des éléments connus). Dans l’hypothèse cependant où un enfant aurait adopté comme emplacement de jeu favori la zone la plus irradiante et où son temps de présence à la halte-garderie est relativement important, le dépassement de la limite de dose de 1 mSv/an ne peut être exclu.
    3. Les doses reçues par le personnel affecté au groupe des grands est, en première approche et sur la base de 39h par semaine, de l’ordre de 1 mSv/an. Cette évaluation peut être considérée comme conservatoire car le temps de présence réel au premier étage est inférieur au temps de travail total (là encore à condition que la zone la plus irradiante ne soit pas l’emplacement privilégié).

 

3.2 EVALUATION DU RISQUE

 

    • 3.2.1 Les références de la directive EURATOM n°96/29
      Des limites fondamentales de dose ont été établies pour toutes les activités humaines  susceptibles d’accroître l’exposition des individus aux rayonnements ionisants provenant d’une source artificielle ou d’une source naturelle lorsque les radionucléides sont traités, ou l’ont été, en raison de leurs propriétés radioactives, fertiles ou fissiles (c’est le cas des installations d’extraction du radium ou de préparation de sources types émanateurs de radon ou aiguilles de curiethérapie).

 

    • 3.2.1.1 1 mSv/an (1 000 µSv/an)
      La limite de dose pour les personnes du public est fixée à 1 mSv par an. Cette limite concerne la somme de toutes les expositions provenant de l’ensemble des pratiques concernées (on ne doit pas comparer la dose générée par une seule pratique à la limite : toutes les contributions doivent être additionnées).
      Sur la base d’un facteur de risque de décès par cancer radio-induit de 5 x 10-2 et de l’hypothèse (jugée la plus probable par la Commission Internationale de Protection Radiologique) d’une relation linéaire sans seuil entre la dose et l’effet, on peut apprécier le risque comme suit : si 100 000 personnes reçoivent une dose de 1 mSv, on s’attend à enregistrer dans cette cohorte 5 décès par cancer radio-induit. Ceci correspond à un risque de décès de 1 sur 20 000. Ce niveau de risque est considéré comme le niveau maximum tolérable.Les évaluations étant basée sur une relation dose/effet linéaire sans seuil, cela signifie que le risque persiste en dessous de la limite. D’où l’obligation réglementaire de maintenir les expositions au niveau le plus bas qu’il est raisonnablement possible d’atteindre (principe d’optimisation de la protection).

 

  • 3.2.1.2 0,01 mSv/an (10 µSv/an)
    La directive propose comme seuil de référence du risque négligeable lié à l’exposition générée par une seule pratique une dose de 10 µSv/an : au-delà de cette valeur, l’exposition ne peut plus être considérée comme négligeable. En dessous du seuil, on considère que l’exposition peut être ignorée, à condition que la dose collective reste inférieure à 1 homme . Sievert, c’est-à-dire que le nombre de personnes exposées reste limité. Le risque considéré comme négligeable est de l’ordre de 1 sur 1 million.
    La dose efficace annuelle reçue par le personnel ou les enfants est nettement supérieure au seuil du risque négligeable : selon le temps de présence, elle varie de plusieurs dizaines à centaines de microsieverts (et dans certains cas, elle pourrait dépasser le milliSievert).

 

 

3.3 RECOMMANDATIONS

 

Outre la limitation des doses, la réglementation met en avant deux autres principes fondamentaux de radioprotection : la justification des expositions et l’optimisation de la protection.
En l’occurrence, rien ne peut justifier de laisser des enfants exposés au rayonnement qu’induit la contamination des locaux. La décontamination du site s’impose. Compte tenu de l’augmentation des risques d’exposition associés aux travaux (empoussièrement notamment), ils doivent impérativement se dérouler en l’absence des enfants.
La diminution progressive de la radioactivité des déchets présents dans le sol est déterminée par la période radioactive des radionucléides présents. La période radioactive d’un radionucléide est le temps nécessaire pour que son activité diminue de moitié. S’agissant d’une pollution par le radium 226 et ses descendants, la période radioactive est de 1 600 ans. Ces chiffres signifient qu’à l’échelle de la durée d’utilité du bâtiment, aucune décroissance de la dangerosité des déchets ne peut être attendue.
Seule la décontamination du site permettra de le mettre définitivement en sécurité : récupération des canalisations et décontamination des sols : retrait des revêtements lino et parquets et décontamination des surfaces.

 

4/ RECHERCHE DES RESPONSABILITÉS

 

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4.1 REPERES CHRONOLOGIQUES

 

Les éléments ci-dessous ont été regroupés à partir des inventaires de l’ANDRA (1996 à 1999), des réponses de l’ANDRA à notre demande du 23 mai 2000 (courrier du 29/05), des articles de presse, de divers témoignages et des déclarations de Mme Dominique Gillot, le mercredi 23 mai 2000 devant l’Assemblée nationale dans le cadre des questions au gouvernement (cf. annexe).
Certaines données restent contradictoires. Les échanges d’informations et réunions à venir devraient permettre de compléter et de valider la chronologie des faits et de déterminer qui dit la vérité. C’est un préalable indispensable à l’établissement des responsabilités.

1910 ­ 1935 :
Immeuble utilisé par la société française des applications du radium pour des activités de préparation, conditionnement et commercialisation de sources de radium 226 ou seulement commercialisation.

Note : le bâtiment a abrité une unité de préparations à base de sels de radium et non une usine d’extraction du radium. Ceci explique que la situation est bien moins préoccupante que celles constatées à Nogent-sur-Marne ou Gif-sur-Yvette : dans les sites de production de radium, ce sont des tonnes de minerai radioactif qui sont transportées, concassées, broyées, soumises à des traitements chimiques pour en extraire quelques grammes de radium. Dans ce cas, la contamination résiduelle est nettement plus importante.

1938: installation de services sociaux dans l’immeuble.

1978 : installation de la halte-garderie au rez-de-chaussée de l’immeuble (et dans une partie du premier étage : à confirmer). L’établissement est géré par une association, l’association des mères de famille qui serait également propriétaire des locaux.

1993: mise aux normes d’une salle supplémentaire au premier étage (la future salle des grands). Le sol existant (parquet) est couvert d’un revêtement imperméable en linoleum (collage et joints en thermosilicone).

1996.
L’agence nationale pour les déchets radioactifs (ANDRA) publie depuis 1993 un inventaire des déchets radioactifs. Dans l’édition 1996, elle annonce qu’elle travaille sur le recensement des sites pollués par le radium (depuis 1995) et que des investigations ont été lancées pour mieux caractériser et localiser les sites concernés.

Le schéma des interventions est le suivant :

L’enquête historique est conduite par l’ANDRA. Les adresses des sites susceptibles d’être pollués sont notamment recherchées dans les documents et archives de l’Institut du radium et le Fond Curie conservé à la Bibliothèque nationale et aux Archives nationales. Un contrat a notamment été passé avec l’Institut du radium pour la rédaction d’une thèse (Soraya Boudia, Paris 7). L’ANDRA indique que concernant les recherches, ses ” interlocuteurs privilégiés sont les DRIRE et les mairies “. Dans le cas de la halte-garderie, il n’est pas certain que la mairie du 7ème arrondissement a été informée.
– Viennent ensuite les opérations de ” lever de doute “. L’ANDRA précise qu’elle n’est pas qualifiée pour contrôler l’état radiologique d’un site. Le travail est généralement confié à l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI), établissement public placé sous la double tutelle des ministères de la Santé et du Travail. En Ile-de-France, où plus de 45 sites sont recensés, les levers de doute ont été confiés au service technique de l’Inspection des Installations Classées (STIIC) qui a pu s’appuyer sur l’OPRI mais aussi sur le laboratoire central de la préfecture de Paris (LCPP).
– L’opération de lever de doute conduite par l’OPRI ou le laboratoire central doit permettre de déterminer si le site est ou non pollué ainsi que le niveau d’urgence de la situation. Sur la base du rapport qui lui est transmis, l’ANDRA procède, le cas échéant, à une expertise technique et financière destinée à déterminer les travaux d’assainissement à effectuer, la masse de déchets radioactifs à évacuer, leur destination ainsi que les coûts afférents.

Dans le courrier qu’elle nous a adressé, l’ANDRA précise qu’elle a identifié, dès 1996, le 12 rue Chomel comme site potentiellement contaminé par le radium.
A noter que la halte-garderie ne figurait pas dans la liste des 15 sites que l’association Robin des Bois à fait parvenir à l’ANDRA en mai 1996 (point que l’ANDRA souhaitait cependant vérifier).

1997.
Dans l’édition 1997 de son inventaire, l’ANDRA présente en annexe B un ” dossier radium “. L’agence indique que 40 sites ont été identifiés dans Paris mais sans mentionner les adresses. Le texte précise qu’il y a seulement suspicion de contamination et que ” les autorités compétentes de chaque région concernées ont été informées. “. L’ANDRA écrit notamment : ” A partir de ces premiers résultats d’enquêtes historiques, la démarche de l’Observatoire (ANDRA) est d’informer les autorités de l’Etat (DRIRE, OPRI) pour qu’elles contribuent elles-mêmes à des recherches complémentaires ; cela a été fait au 1er trimestre 1997. “
Dans le courrier qu’elle nous adresse l’ANDRA précise que la liste des 80 sites suspects a été adressée à chaque DRIRE (le STIIC pour Paris) et à l’OPRI par courrier en date du 14 février 1997.

1998.
Dans l’édition 1998 de son inventaire, l’ANDRA indique qu’elle a transmis au STIIC (service technique d’inspection des installations classées) la liste de plusieurs dizaines d’adresses mais que cet organisme n’a pu avancer le dossier. Au 2ème trimestre 98, aucune opération de lever de doute n’a donc été conduite sur les sites suspects de Paris.
La première intervention pour vérification de l’état radiologique du bâtiment n’a lieu qu’en septembre 1998 : intervention de l’OPRI les 2/3 septembre 1998. L’OPRI indique dans son rapport général sur les 43 sites parisiens : ” Présence d’un champ de rayonnement significatif au niveau des 2 siphons d’une canalisation d’évacuation des eaux usées (2,5 et 7 µSv/h). Demande à la directrice, Madame Lecomte-Andrieu, d’interdire tout accès à la galerie. “
L’intervention est liée au fait que le dossier radium fait alors la Une des media : l’existence des sites potentiellement pollués a été rendue publique le mardi 1er septembre par Le Parisien : ” Révélations sur la pollution au radium “.
L’article indique que l’ANDRA a assumé sa mission d’enquête et de recensement mais qu’elle n’est pas chargée de ” la mise en évidence des contaminations “. Dès lors, les contrôles s’accélèrent. Dans un article en date du mercredi 9 septembre, Le Parisien indique : ” C’est dans l’urgence que les services spécialisés dans la lutte contre la radioactivité ont dû procéder la semaine dernière à l’expertise d’une cinquantaine de sites soupçonnés d’être pollués par le radium à Paris. () Un premier bilan révèle que 5 des cinquante sites conservent des traces de contamination dont deux méritent des expertisent complémentaires ” confie Jean-Luc Pasquier, le directeur scientifique de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants. Mais il assure qu’en l’état actuel il n’y a pas de risques sanitaires “.

1999.
Le 12, rue Chomel fait partie des 5 sites identifiés comme contaminés et, plus précisément, des 2 sites qui nécessitent des contrôles complémentaires. L’ANDRA indique dans son inventaire de 1999 que les contrôles auraient été effectués au cours du premier semestre 1999. Sachant que le bâtiment est signalé comme accueillant des enfants en bas âge, on s’étonne que les contrôles complémentaires n’aient pas été effectués avant plusieurs mois.

On lit dans l’inventaire ANDRA de 1999, page 422 :

” Une série de contrôles radiologiques a été réalisée au 3ème trimestre 1998 avec les moyens conjoints de l’OPRI et du LCPP sur 45 sites parisiens : 27 sites ne présentaient aucune trace de contamination, 5 sites nécessitaient des contrôles supplémentaires “. L’ANDRA indique ensuite qu’au 1er semestre 1999 “des contrôles complémentaires ont été faits sur 2 sites déjà visités : l’un s’avère totalement négatif, l’autre ne demande pas de précaution particulière autre qu’un renforcement d’interdiction d’accès à un sous-sol (canalisation et siphon contaminés dans une partie désaffectée d’un sous-sol d’immeuble). “

L’ANDRA signale un ” renforcement d’interdiction d’entrée “. En effet, l’interdiction d’accès à la galerie technique du sous-sol avait déjà été demandée par l’OPRI lors de la première intervention. L’ANDRA ne fait aucune mention d’une interdiction d’accès aux étages. Au contraire, le fait d’indiquer qu’aucune précaution particulière n’est nécessaire suggère que le contrôle a été mené à bien (sans quoi il aurait fallu émettre des réserves).

Nous n’avons pu déterminer quel service a effectué ce second contrôle (LCPP ? OPRI ?).

En juin-juillet 1999 (date à confirmer), l’association des mères de familles (gestionnaire de la halte-garderie) aurait reçu de la Préfecture, en tant que propriétaire des locaux, un courrier indiquant qu’il lui faut procéder à des travaux de décontamination (canalisations du sous-sol).

En septembre 1999, l’association aurait demandé par écrit l’intervention de services spécialisés (courrier à la préfecture de Paris ?).

Par courrier en date du 16 septembre 1999, la préfecture de Paris a demandé à l’ANDRA d’assister la directrice de la halte-garderie pour la décontamination des deux siphons.

2000.
En janvier 2000, l’ANDRA engage les premières actions préalable à l’assainissement : définition du cahier des charges, recherche d’une entreprise. L’ANDRA explique les délais par le fait que la situation ” ne posait pas de problème d’urgence sanitaire puisque la zone incriminée était condamnée “.

Le 27 avril 2000, l’ANDRA se rend au 12, rue Chomel afin d’effectuer l’expertise technique et financière qui précède l’engagement des travaux de décontamination. L’ingénieur de l’ANDRA est accompagné d’un technicien de la société ONECTRA, prestataire. Constatant la contamination des canalisations du sous-sol, ils remontent logiquement dans les niveaux supérieurs. Ils constatent alors une anomalie radiamétrique dans les canalisations du premier et du second étage et en informe la Préfecture et l’OPRI (immédiatement par oral, puis par courrier en date du 5 mai 2000).

Le 18 mai 2000, l’OPRI effectue une nouvelle expertise à la demande de l’ANDRA et la halte-garderie est fermée dès le lendemain 19 mai.
Quand l’ANDRA intervient pour une expertise technique, le travail d’évaluation radiologique et sanitaire a théoriquement déjà été effectué par des services spécialisés. L’ANDRA n’est pas qualifié pour effectuer des contrôles radiologiques. Ces contrôles ont été effectués préalablement par les services spécialisés (OPRI ou laboratoire central de la Préfecture de Paris). Le fait que ce soit l’ANDRA qui alerte l’OPRI sur le problème d’irradiation dans les salles de classe, alors que l’expertise sanitaire est supposée terminée depuis plus d’un an, témoigne d’un grave dysfonctionnement.

Sur la base de ces éléments, les parents des enfants de la halte-garderie sont en droit de demander des explications sur les délais d’intervention et sur la qualité des expertises qui ont été réalisées.

 

4.2 INTERROGATIONS

A ce jour, deux réponses, contradictoires, ont été apportées à ces questions.

La version de l’OPRI et du secrétariat d’État à la Santé

L’irradiation anormale du premier étage n’a pas été détectée car la propriétaire des locaux en a interdit l’accès.
Cette version a été défendue par M. Bourguignon (OPRI) sur la chaîne Santé et Vie, le mardi 22 mai, à l’occasion d’un débat avec M. Desbordes (CRII-RAD) et par Mme Gillot, secrétaire d’État à la Santé, lors des questions au Gouvernement, le mercredi 23 mai : l’OPRI n’a eu connaissance qu’en 1998 de la contamination potentielle du bâtiment (ce qui est démenti par l’ANDRA). Il a prescrit une inspection. Le contrôle des étages (dédiés à des activités sociales) n’a pas été réalisé ” du fait du caractère privé des locaux, de l’interdiction des propriétaires d’entrer et des précisions fournies par les personnes sur la reconfiguration totale des locaux. ”

La version de la directrice de la halte-garderie.
La directrice soutient de son côté qu’elle ne s’est jamais opposée à un quelconque contrôle. Elle insiste sur le fait que le caractère privé de la halte-garderie ne la dispense pas des contrôles de la préfecture. Lorsqu’un contrôleur se présente, elle remet l’ensemble des clefs.
La thèse du refus d’accès n’est pas complètement convaincante : l’accès au sous-sol a été autorisé, pourquoi des restrictions sur le premier étage ? Pourquoi aucune mention de ce refus ne figure dans les rapports officiels (ni dans le compte-rendu OPRI ni dans les inventaires de l’ANDRA) ? Comment expliquer qu’en avril 2000, l’ANDRA n’a eu aucun problème d’accès au premier étage ?

Il devrait être possible de déterminer qui a raison :

– Soit les services en charges des expertises n’ont pas fait correctement leur travail (peut-être faute de temps pour la première intervention qui s’est déroulée dans l’urgence, mais pourquoi le problème n’a-t-il pas été traité correctement ensuite ?) ;
– Soit la responsabilité incombe à la directrice qui ne les a pas laissé opérer. Si cette seconde hypothèse est avérée, il faut s’interroger sur les moyens d’actions dont disposent les services officiels et sur les démarches qu’ils ont entreprises pour faire lever l’interdiction d’accès.

Un service officiel constate que les canalisations qui aboutissent au sous-sol sont contaminées. Ces canalisations proviennent des niveaux supérieurs, il est donc logique de supposer que la contamination concerne également le rez-de-chaussée et les étages (en tout cas le 1er et le 2ème, au-delà le bâtiment a été surélevé postérieurement aux activités impliquant le radium).
Le rez-de-chaussée et le premier étage accueillant des enfants en bas âge, il était dès lors impératif de conduire le contrôle à son terme. Les responsables de l’intervention ont nécessairement fait des démarches pour faire lever l’interdiction d’entrée : lettre au propriétaire des locaux, au conseil d’administration de l’association gestionnaire de la halte-garderie, lettre à la préfecture de la Seine, lettre à la mairie du VIIème arrondissement, etc.
Il faut vérifier si ces démarches ont bien été effectuées et quelles suites leur ont été données.
Dans l’hypothèse où, malgré les efforts déployés, le contrôle n’a pu être effectué parce que le propriétaire d’un lieu accueillant du public peut effectivement s’opposer à des contrôles sanitaires, il faut absolument faire évoluer la réglementation et doter les services d’Etat des moyens de contrainte nécessaires.
Si, en effet, le choix du propriétaire peut se discuter dès lors qu’il occupe lui-même le bâtiment (à condition d’instaurer des garanties pour les locataires et les acquéreurs éventuels), ce n’est plus le cas dès lors que des tiers occupent le bâtiment. Toutes les règles de sécurité et tous les contrôles afférents doivent pouvoir s’appliquer de plein droit pour tous les lieux qui accueillent du public et, a fortiori, s’ils accueillent des enfants.
L’enquête doit être menée jusqu’au bout afin que de telles situations ne puissent se reproduire.

 

 

4.3 ACTUALISATION AU 1er juin 2000

 

La direction générale de la Santé a décidé de mettre en place un comité de suivi de la halte garderie Chomel. Une première réunion eu lieu mercredi 31 mai à 19h, au ministère de la Santé. Étaient présents des responsables de la DGS, MM. Godet et Coquin), de l’OPRI (MM. Lacronique, Pasquier, Bourguignon), de l’ANDRA (M. Ossenna) des représentants de l’association des mères de famille, dont la directrice, Mme Lecomte-Andrieu et plusieurs représentants des parents d’élèves.
Participaient également, à titre d’experts désignés, M. Bonnemains de l’association Robin des bois, M. Desbordes, président de la CRII-RAD, M. Rannou de l’IPSN et deux médecins, MM. Aurengo et Kalifa.

Se référant au présent rapport dans sa version non actualisée, et profitant de la présence de l’OPRI et de la directrice de la garderie, l’un des parents a demandé des explications sur l’absence d’expertise des étages : la directrice s’est-elle effectivement opposée au contrôle ?
Le président de l’OPRI, M. Lacronique est alors revenu sur les positions défendues jusque là par son établissement. Il s’est excusé auprès de la directrice, expliquant que l’erreur provenait d’une mauvaise interprétation du rapport de l’intervention.
Il est désormais établi que la direction de la garderie n’a jamais fait obstacle aux contrôles radiologiques mis en oeuvre par les services officiels.
C’est donc la qualité des expertises qui est en cause.
Les responsables de l’OPRI ont confirmé que la première expertise a été réalisée dans l’urgence (43 sites visités en 2 jours). Ceci peut expliquer le caractère incomplet du premier contrôle, mais la question de la seconde expertise reste posée.
Dans son rapport d’intervention en date du 4 décembre (qui fait état des contrôles des 2 et 3 septembre), l’OPRI classe la halte-garderie parmi les ” 5 sites visités (qui) nécessitent des compléments de contrôles. “. L’ANDRA indique que ce second contrôle a été effectué au premier trimestre 1999.
Qui a réalisé cette deuxième expertise ? A quelle date ? Que contient le rapport ? Comment expliquer que l’irradiation anormale du premier étage n’ait pas été détectée alors que l’objectif de l’expertise était d’effectuer des contrôles complémentaires par rapport au problème des canalisations du sous-sol ? A cette date, aucune information n’a pu être obtenue.

 

 

4.4 ACTUALISATION AU 10 juin 2000

 

Un entretien téléphonique avec l’un des responsable de l’ANDRA, en date du 8 juin 2000, nous a permis d’apporter une réponse à ces questions.

Il n’y a pas eu de second contrôle. Le contrôle complémentaire recommandé par l’OPRI en septembre 1998 n’a pas été effectué.

Le fait que l’ANDRA écrive explicitement dans son inventaire que cette seconde visite a été effectuée et permis d’établir qu’aucune précaution particulière n’était nécessaire, si ce n’est un renforcement de l’interdiction d’accès à la galerie technique du sous-sol, serait dû à une confusion : un courrier adressé en mars 1999 par le ministère de l’Environnement (P. Vesseron – DPPR) au préfet de Police de Paris aurait été mal interprété par l’ANDRA.

Le bilan global est préoccupant : délais inacceptables, insuffisances des expertises, manque de suivi, erreurs, absence d’information des principaux intéressés… Il est important que l’analyse de ces défaillances permette que ce type de situation ne se reproduise pas.

Le fait que la DGS ait choisi cette année de fermer l’école, d’organiser des réunions d’information ainsi qu’un comité de suivi ouvert aux représentants des parents et à l’association des mères de famille constitue un premier élément positif qui contraste avec les habitudes passées.

La CRIIRAD restera vigilante sur l’évolution de ce dossier.