Cela fait un an désormais qu’a commencé la guerre en Ukraine. La CRIIRAD s’est mobilisée dès le matin du 25 février 2022 pour mettre en place une veille sur la situation radiologique de la zone de Tchernobyl, puis sur les risques relatifs aux autres installations nucléaires en Ukraine. Depuis lors, le service balises du laboratoire de la CRIIRAD vérifie quotidiennement et systématiquement les informations émanant des exploitants des installations concernées, des autorités ukrainiennes de sûreté nucléaire, de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) et d’autres sources pertinentes. Les données de surveillance de la radioactivité ambiante en Ukraine et dans les territoires limitrophes sont également consultées lorsque nécessaire.
Depuis le début de la guerre, la CRIIRAD a mis en ligne 25 notes d’information sur son site balises et effectué une centaine d’interviews. Elles ont porté sur des sujets divers : les conséquences de l’invasion et des combats pour la zone de Tchernobyl, pour la centrale nucléaire de Zaporijjia et pour les autres installations nucléaires d’Ukraine, la surveillance de la radioactivité de l’air, la conduite à tenir en cas de retombées radioactives, les déclarations de l’AIEA, les risques liés à l’utilisation d’armes contenant de l’uranium appauvri, etc.
La poursuite du conflit entraine une dégradation de la sûreté nucléaire à une échelle jamais connue à ce jour, tant par le nombre d’installations nucléaires impactées que par la gravité des atteintes.
La perte régulière des alimentations électriques a conduit l’exploitant de la centrale nucléaire de Zaporijjia à maintenir les 6 réacteurs en arrêt (à froid ou parfois à chaud) depuis plusieurs mois. Le maintien de leurs fonctions de sûreté et en particulier le refroidissement permanent des combustibles irradiés hautement radioactifs présents dans le cœur et dans les piscines de désactivation nécessite une puissance électrique de 100MW fiable. Rappelons que l’impossibilité de refroidir correctement une centrale nucléaire peut conduire, dans certaines configurations, à une catastrophe, comme ce fut le cas en mars 2011 à la centrale de Fukushima Daiichi au Japon.
A Zaporijjia, depuis la prise de contrôle du site par les forces russes dans la nuit du 3 au 4 mars 2022, les systèmes d’alimentation électrique ont été mis à mal à de nombreuses reprises du fait des combats. Ces dernières semaines, le risque de perte des ressources en eau nécessaires au refroidissement s’est fortement aggravé. En effet le niveau d’eau du barrage de Kakhovka baisse dangereusement.
En outre, le 18 février l’entreprise Energoatom indiquait que 2 missiles de croisière ont volé dangereusement près de la centrale nucléaire Sud Ukraine.
Le 20 février l’AIEA rappelait que, du fait des combats, le renouvellement de ses équipes présentes dans la centrale de Zaporijjia avait déjà 2 semaines de retard. Malgré les efforts de son directeur et de ses équipes sur place, l’AIEA n’est pas parvenue à obtenir la sanctuarisation des centrales nucléaires ukrainiennes et en particulier de celle de Zaporijjia.
Ce constat d’impuissance, et le fait qu’aucune centrale nucléaire n’est conçue pour fonctionner avec un niveau de sûreté acceptable en temps de guerre, devraient conduire l’ensemble des pays à revoir les évaluations de sûreté des installations nucléaires et à reconsidérer les politiques de développement de l’énergie nucléaire.
>> Ecouter l’interview du 24 février 2023 de Bruno CHAREYRON sur Radio Calade (A partir de 2mn20)
Contact presse : Elodie WEBER elodie.weber@criirad.org
Contact scientifique : Bruno CHAREYRON, ingénieur en physique nucléaire, directeur du laboratoire de la CRIIRAD (mobile : 06 27 27 50 37 / bruno.chareyron@criirad.org)