22/07/2008 – Fuite d’effluents radioactifs à Romans-sur-Isère

Deux installations nucléaires de base (INB) sont implantées à Romans-sur-Isère, sur le même site :

1/ L’INB n°63 est exploitée par la Compagnie pour l’Etude et la Réalisation de Combustibles Atomiques (CERCA). L’implantation remonte à 1957. L’usine est spécialisée dans la fabrication d’éléments combustibles pour les réacteurs nucléaires de recherche français mais aussi étrangers (Europe, Japon, Etats-Unis, Canada….). Les taux d’enrichissement en uranium 235 peuvent être très élevés, jusqu’à 93,5%. La CERCA est une filiale d’AREVA NP (groupe AREVA)

2/ L’INB n°98, exploitée par la société Franco-Belge de Fabrication du Combustible (FBFC), s’est installée plus tard, en 1977. L’installation est spécialisée dans la fabrication de combustibles nucléaires destinés aux réacteurs à eau sous pression (parc électronucléaire français actuellement en fonctionnement). Le taux maximum d’enrichissement en uranium 235 est de 5% mais l’installation est autorisée à mettre en œuvre de l’uranium enrichi à partir d’uranium de retraitement (URE).
La FBFC est considérée par les autorités comme l’exploitant nucléaire unique du site.

La fuite découverte le 17 juillet 2008, concerne la CERCA. Elle s’est produite sur une canalisation reliant un atelier de fabrication du combustible nucléaire à la station de traitement des effluents radioactifs.

Analyse critique des données officielles

Le laboratoire de la CRIIRAD a été informé de la fuite le 18 juillet en milieu de matinée. Le responsable du laboratoire, Bruno Chareyron, a joint par téléphone le directeur de la sûreté de l’installation, M. Philippe Sorbe, qui lui a apporté un premier niveau d’information. Il a ensuite procédé à l’analyse critique des données diffusées par l’exploitant et l’ASN.
Ce travail a donné lieu à la rédaction de la note d’information référencée 08-149.

Contrôles indépendants de la CRIIRAD (en cours)

Afin de disposer d’informations indépendantes, la CRIIRAD a décidé de procéder, sur ses fonds propres, à des contrôles radiologiques et chimiques sur les eaux souterraines, dans l’environnement proche de l’installation. Ces vérifications ont reçu le concours des services de la communauté de communes qui ont grandement facilité le repérage et la sélection des puits.

Trois prélèvements d’eau de nappe ont été effectués :
– 1 prélèvement à environ 1 km au nord-est de l’installation FBFC-CERCA, dans le secteur de Saint-Vérant
– 1 prélèvement en limite sud du site FBFC-CERCA
– 1 prélèvement à environ 500 mètres du site FBFC-CERCA, en direction du sud-ouest.
Les résultats d’analyse (uranium, tritium et polluants chimiques) devraient être disponibles courant de semaine prochaine.

Par ailleurs, une demande a été adressée lundi après-midi à M. Sorbe, dont la CRIIRAD avait apprécié la disponibilité vendredi dernier, afin d’obtenir l’autorisation d’entrer dans le périmètre de l’installation et d’effectuer un contrôle radiamétrique et un prélèvement de boues au niveau du caniveau, sous la canalisation qui a fui 1 (réponse en attente).

Rappelons que M. Hugues Blachère, directeur d’AREVA Tricastin, a refusé au laboratoire de la CRIIRAD l’autorisation de pénétrer dans l’enceinte du site SOCATRI. En revanche, M. Jacques Emmanuel Saulnier, porte-parole d’AREVA, a déclaré sur RMC, le 18 juillet 2008 : « (…) ce que nous proposons habituellement aux associations environnementales c’est de venir faire leurs propres prélèvements, nous l’avons toujours proposé sur des sites comme La Hague. Nous avons toujours proposé aux associations indépendantes pour celles et ceux qui voulaient (, de) venir voir par eux-mêmes et de faire les prélèvements et de les confronter aux nôtres afin de tout mettre sur les table, il n’y aurait pas pire chose que le tabou.»

– Lire l’intégralité de l’interview

Partenariat entre la municipalité de Romans et la CRIIRAD

La CRIIRAD rappelle qu’une collaboration a été mise en place depuis plus de 15 ans avec la municipalité de Romans-sur-Isère. Elle concerne :

1/ La gestion d’une balise de contrôle en continu de la radioactivité de l’air, installée dans les locaux des services de secours de Romans-sur-Isère (gestion assurée en partenariat avec le conseil général de la Drôme) : voir le site web des balises CRIIRAD.

2/ Le contrôle de l’état radiologique de l’environnement. Il s’agit d’évaluer l’impact éventuel des rejets radioactifs de l’installation nucléaire ou d’autres sources de pollution (les patients des services de médecine nucléaire par exemple). Rappelons que toutes les installations nucléaires ont des autorisations de rejets radioactifs et chimiques délivrées par voie d’arrêté. L’arrêté d’autorisation de rejet d’effluents liquides et gazeux et de prélèvements d’eau est commun à la FBFC et à la CERCA. Il est daté du 22 juin 2000 et a été publié au JO du 28 juillet 2000.

– Le premier volet de l’étude environnementale comporte : 1/ des analyses de sols et de végétaux (contrôle de l’impact des rejets atmosphériques sur le milieu terrestre) ; 2/ des analyses de sédiments, mousses aquatiques et roseaux prélevés dans l’Isère (où s’effectuent les rejets liquides autorisés) ; 3/ des contrôles au niveau de la station de traitement des eaux usées de la ville de Romans. L’étude a été remise à la municipalité et doit faire l’objet d’une communication publique à la rentrée.
– Un second volet, ciblé sur l’état radiologique et chimique des nappes phréatiques, doit être mis en œuvre à l’automne. Il devrait également intégrer des mesures spécifiques, complémentaires au volet n°1.

3/ La participation aux réunions de la Commission Locale d’Environnement (CLE) en tant qu’expert choisi par la municipalité : de Michèle Rivasi (présidente de la CRIIRAD jusqu’en 1997 2), puis de Roland Desbordes (président de la CRIIRAD depuis 1997). Ces participations ont demandé beaucoup d’énergie pour des résultats assez limités (aux refus de l’exploitant, surtout dans les années 90, s’ajoutait en effet l’inertie des services de contrôle, DRIRE-ASN). A terme, elles ont cependant permis d’obtenir l’amélioration du plan de surveillance de l’exploitant (même s’il reste encore des lacunes à combler) et la suppression des rejets radioactifs et chimiques autorisés dans la station de traitement des eaux usées de la municipalité.

A noter que cette commission ne s’est plus réunie depuis décembre 2006. Aux termes de la loi du 13 juin 2006, elle doit en effet être remplacée par une commission locale d’information (CLI) qui doit être mise en place par décision du président du Conseil général de la Drôme. A ce jour, les demandes des élus locaux et des associations n’ont pas été suivies d’effet.

> Lire les dispositions de la loi du 13 juin 2006 relatives aux CLI.

1 Dans le cas où toutes les matières contaminées auraient été enlevées, l’autorisation d’échantillonner les déchets ainsi récupérés.

2 La CRIIRAD est une association indépendante des exploitants, de l’Etat et a-politique. Lorsque Mme RIVASI a décidé de se présenter aux élections législatives, elle a démissionné de son poste de présidente et, depuis lors, elle n’exerce plus aucun mandat au sein de l’association.