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01/07/2025 – Guerre en Ukraine et installations nucléaires : retour sur 2024 et début 2025

Du fait de la poursuite du conflit en Ukraine, les installations nucléaires sont confrontées à des menaces persistantes. Le service balises de la CRIIRAD a poursuivi en 2024 et 2025 sa veille journalière relative à la situation radiologique de ces installations. Les risques d’accident grave sont restés, pour plusieurs sites, bien réels. Les équipes de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) présentes en Ukraine sur les différentes centrales nucléaires (depuis septembre 2022 à Zaporijjia et début 2023 pour les autres) relatent des bombardements fréquents en 2024 et 2025, qui ont impacté en particulier les infrastructures électriques. Toutes les installations nucléaires ont été concernées. Voici un retour sur les événements principaux.

Visite de Rafael Grossi, directeur de l’AIEA, et de ses équipes à la centrale nucléaire de Zaporijjia © IAEA Imagebank via Wikimedia Commons – Février 2024

Veille Ukraine de la CRIIRAD
La CRIIRAD surveille la situation radiologique des installations nucléaires ukrainiennes depuis le début du conflit le 24 février 2022. Cette vigilance consiste à vérifier systématiquement les informations émanant des exploitants des installations concernées (Energoatom), des autorités ukrainiennes de sûreté nucléaire (SNRIU) et de l’AIEA. Lorsque cela s’est avéré nécessaire, des vérifications complémentaires ont été menées : consultation des données de surveillance de la radioactivité ambiante en Ukraine et dans les territoires limitrophes.

Zaporijjia : la centrale nucléaire la plus vulnérable

La centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, est sous contrôle des forces militaires russes depuis le 4 mars 2022 et est située à proximité immédiate de la zone de front. C’est l’installation qui a encore suscité en 2024 et début 2025 les plus vives inquiétudes.

Les équipes de l’AIEA présentes sur place ont confirmé des activités militaires intenses à proximité, avec des bombardements fréquents :

  • Le 7 avril 2024 (1), l’AIEA a rapporté que des équipements de surveillance et de communication semblaient avoir été ciblés par des drones, dans l’environnement immédiat de la centrale. L’équipe sur place relate avoir observé une légère brulure superficielle au sommet du dôme du réacteur N°6, sans que la sécurité nucléaire immédiate n’ait été compromise.
  • Le 11 août 2024 (2), un incendie s’est déclaré dans une des deux tours de refroidissement de la centrale. Malgré des dommages importants, l’AIEA a indiqué que la sûreté de la centrale n’avait pas été affectée, les tours de refroidissement n’étant alors pas en service. La CRIIRAD avait mis en ligne une note d’information (3) détaillant cette situation.

L’approvisionnement en électricité est resté problématique en 2024 (et continue de l’être en 2025) avec des déconnexions répétées des lignes d’alimentation électrique.

Avant le conflit, la centrale disposait de quatre lignes principales de 750 kV et de six lignes « de secours » de 330 kV. Elle a connu entre mars 2022 et début 2024 pas moins de huit pertes totales d’alimentation externe, entraînant pour chacune le déclenchement des générateurs diesel de secours. La centrale ne disposait plus début 2024 que de 2 lignes d’alimentation électrique par le réseau externe : une ligne principale de 750 kV et une ligne de secours de 330 kV. La centrale n’a, heureusement, pas connu en 2024 et 2025 de nouvelle coupure totale d’alimentation, mais l’approvisionnement a été particulièrement mis à mal suite à des épisodes de bombardements sur les infrastructures électriques :

  • perte de la connexion à sa seule ligne de secours de 330 kV le 21 février 2024 (4), la rendant entièrement dépendante de la ligne principale de 750 kV pendant plus de trois semaines ;
  • coupure momentanée de la ligne 750 kV pendant plusieurs heures les 22 mars (5) et 23 mai 2024 (6), laissant la centrale fonctionner uniquement sur la ligne 330 kV ;
  • perte de la ligne de secours de 330 kV pendant environ 3 jours le 2 septembre (7) et pendant 36 heures le 1er octobre 2024 (8) ;
  • perte de la ligne de 330 kV le 11 février 2025 (9) pendant environ une semaine.

Au 26 juin 2025, la centrale ne compte toujours qu’une seule ligne fonctionnelle de 750 kV suite à une nouvelle perte de sa ligne de secours le 7 mai 2025 (10). L’absence de lignes de secours expose la centrale à un risque élevé de panne totale en cas de défaillance de la ligne 750 kV, ce qui compromettrait le refroidissement des installations de stockage du combustible usé et des 6 réacteurs, bien qu’ils soient tous en état d’arrêt « à froid » depuis le 13 avril 2024.

Visite des équipes de l’AIEA à la centrale nucléaire de Zaporijjia
© IAEA Imagebank via Wikimedia Commons – Mars 2023

Concernant les réserves d’eau disponibles pour le refroidissement, réduites depuis la rupture du barrage de Kakhovka en juin 2023 (11), elles sont adaptées pour le fonctionnement actuel de la centrale, l’ensemble des réacteurs étant en arrêt à froid. Les ressources actuelles sont nettement insuffisantes pour un redémarrage, même partiel, des réacteurs pour la production électrique.

Compte tenu de la situation d’occupation militaire et de combats proches, la centrale nucléaire de Zaporijjia a également rencontré en 2024 et 2025 d’importants reports sur ses opérations de maintenance et d’entretien. Les équipes de l’AIEA présentes sur place ont rencontré des difficultés d’accès aux différentes installations, notamment à la partie ouest de la salle des turbines des réacteurs,  laissant planer le doute sur leur état. Des fuites d’acide borique, déjà observées fin 2023 sur le réacteur n°6 (inspection AIEA du 22 décembre 2023 (12)) puis en 2024, ont été constatées sur les réacteurs n°1 et n°3 (inspections AIEA de fin janvier (13) et début février 2024 (14)) sans que des réparations adéquates ne soient entreprises. Les équipes de l’AIEA ont constaté début 2024 l’absence de plan de maintenance complet, essentiel pour assurer la sûreté nucléaire, notamment en raison de la mise à l’arrêt prolongée des réacteurs. En 2025, un programme de maintenance a bien été présenté à l’AIEA, mais son directeur note qu’il n’atteint pas le niveau normalement attendu (15).

La situation du personnel de la centrale ne s’est pas améliorée en 2024 et 2025. La CRIIRAD évoquait déjà dans le bilan 2023 (16) le sous-effectif de la centrale : quelques 4 500 personnes y travaillaient, soit environ 39 % des employés présents avant l’occupation russe en mars 2022 (chiffres 2024).

Depuis le 1er février 2024, les employés ukrainiens n’ayant pas signé de contrat avec l’exploitant russe, Rosatom, sont interdits d’accès et ont été remplacés par des employés russes. L’AIEA s’inquiète de leur manque de formation et d’expériences spécifiques à la centrale de Zaporijjia.

Il faut ajouter à ces éléments des conditions de travail inacceptables : les employés sont soumis à une pression psychologique intense, avec des risques accrus en raison de la proximité du front et de la présence militaire sur le site.

Visite des équipes de l’AIEA à la centrale nucléaire de Zaporijjia
© IAEA Imagebank via Wikimedia Commons – Septembre 2024

Autres installations nucléaires ukrainiennes

Les autres installations nucléaires d’Ukraine sont également exposées aux risques d’accident en raison notamment des bombardements intensifs. Certains évènements ont concerné l’ensemble des centrales :

  • 26 août 2024 (17) : en raison de l’instabilité du réseau national causée par des frappes sur des infrastructures énergétiques, certains réacteurs des centrales de Rivne et d’Ukraine du Sud ont été temporairement arrêtés ou déconnectés du réseau.
  • 16 et 17 novembre 2024 (18) : des bombardements ont endommagé 4 sous-stations électriques affectant les lignes de transmission alimentant les centrales de Khmelnytskyï, Rivne et d’Ukraine du Sud. En réponse, la production d’électricité a été réduite.
  • 28 novembre 2024 (19) : les 3 sites ont été contraints de réduire leur production d’électricité par précaution en raison d’activités militaires généralisées dans le pays.
  • janvier 2025 (20) : ce sont des survols de drones, signalés à plusieurs reprises près des centrales qui ont conduit au déclenchement d’alertes de sécurité et, pour la centrale de Rivne, à la réduction de sa production d’électricité par mesure de précaution.
Centrale d’Ukraine du sud © Leo211 via Wikimedia Commons

Centrale d’Ukraine du Sud

  • 18 juillet 2024 (21) : l’AIEA a rapporté que le réacteur 2 de la centrale avait été temporairement arrêté suite à un court-circuit au niveau d’un transformateur électrique extérieur au site. Après la restauration de la connexion électrique, le réacteur a redémarré et a repris sa production d’électricité.
  • 26 septembre 2024 (22) : l’unité n°2 a été mise à l’arrêt à froid pour réparer le moteur électrique d’une de ses pompes principales de refroidissement, endommagée lors d’attaques militaires sur le réseau électrique extérieur le 26 août. Après la réparation, l’unité a redémarré le 25 septembre. La connexion de deux lignes de transmission externes, déconnectées après les attaques d’août, a également été rétablie.
  • 22 octobre 2024 (23) : l’unité n°1 a été déconnectée du réseau pendant environ quatre heures en raison d’un signal erroné envoyé aux systèmes de protection de l’unité.

Centrale de Tchernobyl

Malgré la vulnérabilité du réseau électrique aux bombardements, l’AIEA ne signale aucune perte d’alimentation électrique à la centrale de Tchernobyl en 2024 et début 2025.

  • Le 14 février 2025 (24) vers 2 heures du matin, un drone équipé d’une ogive explosive a touché l’arche de confinement du réacteur n°4, structure construite pour sécuriser le réacteur accidenté en 1986. L’impact, intervenu sur la partie supérieure de l’arche à une hauteur de 87 mètres, a provoqué un incendie qui a persisté pendant plus de deux semaines, nécessitant l’intervention de plus de 400 personnes pour le maîtriser. Une brèche de 15 m² a été constatée dans la toiture extérieure, et des dommages ont été signalés sur l’isolant interne.

Selon l’AIEA (25), malgré ces dommages les niveaux de radiation sont restés stables.

Des équipes d’urgence continuent de travailler pour évaluer les dommages et mettre en œuvre les réparations nécessaires.

Rédaction : Jérémie Motte •

Arche de confinement du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl © Paul Minami via Unsplash

Notes :


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