15/05/2009 – Les seuils de libération

La « libération » (en anglais « clearance ») permet de soustraire du contrôle réglementaire des matériaux qui lui étaient jusqu’alors soumis.

  Les seuils de libération (« clearance levels ») définissent des niveaux de contamination en deçà desquels les matériaux peuvent être libérés de tout contrôle et utilisés sans aucune restriction pour la fabrication d’équipements ou d’objets de la vie quotidienne.

  L’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) et la commission européenne (experts du groupe 31) ont fixé des seuils de libération pour les matériaux métalliques et pour le béton.

  Plusieurs Etats ont suivi les recommandations de l’AIEA et des experts de la Commission européenne et ont défini des seuils de libération permettant de « recycler » des matériaux contaminés par toute une série de produits radioactifs.

 

Rappelons que l’AIEA est une agence internationale chargée du contrôle du nucléaire militaire et de la promotion du nucléaire civil.


Lire les statuts de l’AIEA


Pour la définition des seuils de libération, la Commission européenne s’est appuyée sur les experts dits du groupe 31, un groupe constitué en application de l’article 31 du Traité EuratoM, un traité qui a pour objet de développer le nucléaire civil dans le plus grand nombre de pays.



Lire le traité Euratom

 
L’EXEMPLE DU PLUTONIUM 239

 L’AIEA et l’Europe ont fixé à 100 Bq/kg (becquerels par kilogramme) le seuil de libération pour le plutonium 239, un radionucléide (produit radioactif) très radiotoxique et de très longue durée de vie : sa période radioactive est en effet de 24 100 ans. Cela signifie qu’il faut 24 100 ans pour que son activité soit divisée par deux ; 48 200 ans pour qu’elle soit divisée par 4 ; 72 300 ans pour qu’elle soit divisée par 8, etc. Le plutonium est un élément artificiel fabriqué dans le cœur des réacteurs nucléaires. A l’état naturel, les matériaux ne contiennent pas de plutonium. L’activité du fer, du plomb, du cuivre, de l’aluminium… est de 0 Bq/kg.

 

Imaginons que de l’aluminium issu d’une installation nucléaire soit utilisé pour la fabrication de nos objets quotidiens parce que son niveau de contamination est de 90 Bq/kg, c’est-à-dire inférieur au seuil de 100 Bq/kg. L’activité décroîtra très lentement : des générations et des générations seront exposées à ce radionucléide de très forte radiotoxicité. Dans la durée il sera évidemment impossible de suivre le devenir de l’aluminium contaminé. Utilisé pour la fabrication d’une casserole, il pourra libérer des atomes de plutonium qui se retrouveront, au cours de la cuisson, dans les aliments.

 

Les Etats qui souhaitent profiter des possibilités offertes par les seuils de libération sont évidemment des Etats nucléarisés où les exploitants d’activités nucléaires constituent un groupe de pression important. Les industriels de la sidérurgie et de la métallurgie restent heureusement très réticents. En France, ce n’est pas par hasard que la SOCATRI avait pris contact avec la fonderie Feursmétal pour le recyclage de ses ferrailles contaminées : cette fonderie était en effet en grande difficulté économique et n’avait pas les moyens de faire la difficile.

 

  L’EXEMPLE DU NICKEL 63

Pour l’AIEA, par exemple, le métal peut être recyclé sans restriction si sa concentration en nickel 63 ne dépasse pas 100 000 Bq/kg. Rappelons que le nickel 63 est un radionucléide artificiel qui n’existe pas à l’état naturel. Le métal en contient normalement 0 Bq/kg. Si un lot de plomb a une activité de 100 000 Bq/kg, cela signifie, qu’à chaque seconde, dans un kilogramme, 100 000 noyaux d’atomes se désintègrent en émettant des rayonnements ionisants. Une fois dispersé dans le domaine public, le métal contaminé par le nickel 63 restera dangereux pendant des centaines, voire des milliers d’années.

Le nickel 63 a en effet une période radiologique de 100 ans. Cela signifie qu’il faut 100 ans pour que son activité soit divisée par deux ; 200 ans pour qu’elle soit divisée par 4 ; 300 ans pour qu’elle soit divisée par 8, etc.

  Imaginons que 100 tonnes d’acier présentant une contamination en nickel 63 de 80 000 Bq/kg soient utilisées pour la fabrication de voiture. Dans 100 ans, où que se trouve cet acier, il contiendra encore 40 000 Bq/kg de nickel 63 ; dans 200 ans, son activité sera encore de 20 000 Bq/kg : dans 300 ans de 10 000 Bq/kg ; dans 400 ans de 5 000 Bq/kg ; etc. Il faudra attendre près de 1 000 ans, pour que la contamination soit inférieure à 100 Bq/kg et plus de 1 700 ans pour une activité inférieure à 1 Bq/kg (ce qui sera encore supérieur au niveau naturel de 0 Bq/kg).

Documents de référence :
o Agence Internationale de l’Energie Atomique : Clearance levels for radionuclides in solid materials – 1996.
o Agence Internationale de l’Energie Atomique : Application of the Concepts of Exclusion, Exemption ans Clearance – Safety Guide n°RS-G-1.7 – 2004.
o Commission européenne / Recommandations du groupe d’experts de l’article 31 du Traité Euratom. : Recommended radiological protection criteria for the clearance of buildings and buildings rubble from the dismantling of nuclear installations – Radiation protection 113 – 2000.