![]() |
![]() |
![]() |
Grâce au concours de spécialistes en minéralogie, la crii-rad a identifié la nature et l'origine des minéraux radioactifs.
1. Rappels La CRII-RAD a rendu public, le 3 avril dernier, le résultat
de contrôles radiologiques effectués entre Port-Saint
Louis et Palavas-les-Flots. Ces relevés montraient une
situation normale sur la majeure partie du littoral (caractérisé
par un très faible niveau de radioactivité naturelle),
mais une situation tout à fait inattendue sur certaines
portions de plages situées à l'est du phare
de l'Espiguette (Gard) et aux abords des Saintes Maries-de-la-mer
(Bouches-du-Rhône) : dans ces secteurs, le flux de rayonnement
émis par le sol est anormalement élevé (jusqu'à
10 fois), ce qui indique des teneurs inhabituelles en éléments
radioactifs. · Les analyses radiologiques réalisées par le laboratoire de la CRII-RAD ont révélé la présence de radionucléides naturels, mais à des niveaux très supérieurs (de 5 à 50 fois) aux niveaux normaux : de l'ordre de 1 600 Bq/kg pour les éléments de la chaîne de l'uranium 238 et de 2 000 Bq/kg pour le thorium 232 alors que l'analyse de sable prélevé au même endroit mais non affecté par les dépôts noirs, présente des activités comprises entre 20 et 50 Bq/kg ; · Les analyses chimiques réalisées par le laboratoire départemental d'analyse de la Drôme ont révélé des teneurs anormalement élevées en terres rares (cérium, lanthane, gadolinium, néodyme, praséodyme), fer, titane et platine. (1)
2. TOUTES LES INVESTIGATIONS CONVERGENT Deux hypothèses de travail ont été retenues d'emblée par la CRII-RAD pour expliquer ces accumulations de radioactivité naturelle : - les dépôts proviennent d'une concentration naturelle de minéraux lourds radioactifs dans les sédiments marins du delta du Rhône ; - les dépôts proviennent de minerais de terres
rares importés en France - chargements échoués
- auquel cas il s'agirait d'une pollution. Pour trouver l'origine, les recherches ont été lancées dans plusieurs directions : a. le laboratoire de la CRII-RAD a procédé à des analyses différenciées, en fonction de la granulométrie et du niveau magnétique des cristaux. Ceci a permis d'établir que la radioactivité est concentrée dans la fraction la plus fine : cristaux dont le diamètre est inférieur à 125 microns (0,125 mm). Il s'agit de cristaux noirs (majoritaires) associés à des cristaux de couleurs claires (incolores, jaunes, roses). Les analyses effectuées sur les fractions les moins magnétiques suggèrent que la radioactivité ne provient pas (du moins pas exclusivement) des minéraux noirs. b. les recherches documentaires ont permis de recenser les minéraux et minerais susceptibles de correspondre aux caractéristiques révélées par les analyses. Ces recherches ont désigné la monazite, un minerai de terres rares et de thorium, qui répond à tous les critères d'identification : présence de phosphate, de terres rares (avec prédominance du groupe cérique), de thorium et d'uranium généralement associés à du minerai (en l'occurrence de titane et de fer). Par ailleurs, les principaux gisements de monazite ont été découverts dans du sable (placers) : ainsi en Inde (plages de Travencore) et au Brésil (État de Bahia). c. les analyses minéralogiques (2) ont permis d'identifier les minéraux présents et de conclure que :
d. les informations des spécialistes en sédimentologie
: les scientifiques du CEREGE (5)
- qui ont étudié spécifiquement le littoral
de la petite Camargue - ont mis en évidence des phénomènes
très particuliers de sédimentation sur les plages
situées entre la pointe de Beauduc et la pointe de l'Espiguette.
Les minéraux lourds seraient ramenés par les courants
côtiers :
3. UN PHÉNOMÈNE ENTIÈREMENT
NATUREL Sur la base de ces résultats convergents, la CRII-RAD est parvenue aux conclusions suivantes : · Les minéraux lourds, chargés en terres rares et éléments radioactifs, concentrés sur certaines plages, proviennent de l'érosion des massifs hercyniens (Massif central, certains secteurs des Alpes). L'industrie minéralière est donc hors de cause : il ne s'agit pas d'un chargement de minerai importé échoué près des côtes. Une ultime vérification pourra être effectuée à partir du registre des épaves élaboré par le CRASM (6) - vérification aisée car les importations de monazite sont relativement récentes. · Transportés par le Rhône et ses affluents, ces minéraux se sont progressivement concentrés dans le delta. Le phénomène d'accumulation aurait débuté il y a environ 7 000 ans, avec la formation du delta, au cours de la période post-glaciaire (holocène). La densité élevée de ces minéraux explique leur accumulation dans des zones spécifiques (tri hydraulique des alluvions). · L'importance des dépôts reste à déterminer. La formation de "placers" (gisements formés dans les alluvions fluviaux ou côtiers) est bien documentée, en particulier pour la monazite et les minéraux ferrifères comme l'ilménite et la magnétite. Seules des prospections sous-marines permettront de localiser et de déterminer l'importance des accumulations. Selon les résultats, on parlera alors de simples dépôts ou de véritables gisements. Il faut savoir que la France ne dispose pas de gisement de monazite sur son territoire et doit importer le minerai qu'elle utilise. · Les recherches qui restent à engager doivent permettre de déterminer précisément l'origine des apports (localisation dans le delta, par rapport au littoral et aux embouchures du Rhône) et les mécanismes qui ramènent les minéraux vers les plages. Les dépôts sont en effet concentrés en des secteurs bien définis du littoral, en fonction des courants côtiers mais aussi de l'aménagement des plages : il est possible, par exemple, que les épis (digues) construits entre les Barronets et le Rhône vif protègent les plages de ce secteur et canalisent les apports radioactifs sur une zone assez circonscrite, située plus à l'est (secteur du phare de l'Espiguette, sur quelques centaines de mètres). Ces aspects doivent être étudiés avec précision. Si ces constats sont avérés, l'aménagement des secteurs affectés - la mise en place de nouveaux épis, par exemple - pourrait empêcher que les minéraux radioactifs continuent de s'accumuler. Les secteurs concernés par les concentrations de dépôts radioactifs étant cependant spatialement très délimités, des actions simples de nettoyage des plages pourraient peut-être suffire. Quoiqu'il en soit, ces nouveaux éléments
sont transmis ce jour aux autorités afin qu'elles puissent
cibler leurs recherches et définir les moyens à
mettre en oeuvre afin d'assurer la parfaite innocuité
du domaine public. (1) Analyses semi-quantitatives par ICP-MS effectuées par le laboratoire départemental d'analyse de la Drôme que la CRII-rad remercie pour son aide et sa disponibilité. (2) Examens visuel au microscope optique, analyses par microsonde électronique et par diffractogramme de rayon X. La CRII-RAD tient à remercier les chercheurs de la maison des géosciences de l'université de Grenoble ainsi que le professeur J.M. Montel, du laboratoire de minéralogie de l'université Paul Sabatier de Toulouse (UMR CNRS 5563), et ses collaborateurs, M. De Parseval et M. Thibault. (3) ceci doit inciter à la prudence : les concentrations de monazite que nous avons iocalisées étaient associées aux cristaux ferro-titanés ce qui permet de les repérer visuellement mais l'association n'est pas forcément systématique. (4) La datation a été effectuée par l'équipe du professeur Montel à partir de l'analyse du plomb. Deux âges ont été déterminé : 340 millions d'années (Ma) avec une incertitude de ± 40 Ma pour la majorité des cristaux ; 590 ± 60 Ma pour quelques cristaux. (5) Centre européen de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement : Mme Provansal et M. Sabatier. La CRII-RAD remercie également M. Arnaud-Facetta, de l'Université Paris VII. (6) Centre de recherches archéologiques sous-marines - Marseille.
![]() |